Face au constat de la complexité de l’action en politique, et de la pesanteur des charges qui pèsent sur les épaules des personnes en responsabilité, émerge la question de l’enracinement spirituel de ces hommes et femmes, et de leurs pratiques politiques. Certes, on serait tenté d’affirmer que le bon gouvernant est celui qui se laisse guider et mener par l’Esprit. Cependant, il faut aussi honorer la dimension du collectif dans l’action politique, et reconnaître que l’Esprit souffle également dans le « réseau des relations humaines » (V. Albanel).
C’est au lieu même où tente de se bâtir un monde commun que se révèle la fragilité de nos actions, en tension entre les intérêts particuliers et le bien commun, entre pouvoir et autorité, et entre justice et équité (E. Perrot). Voilà pourquoi la politique reste un sujet qui provoque au débat et à la réflexion. Ainsi des jeunes professionnels, prêts à se mettre au service de la société, cherchent à donner du sens à leurs engagements et se réunissent au sein d’associations telles que « La politique, une bonne nouvelle » pour tenter de construire ensemble une action politique qui soit véritablement au service du bien commun (F. Delorme). Le cinéma, quant à lui, présente à sa façon une palette variée de points du vue sur la sphère politique : entre pastiches, regards critiques et documentaires, une place est donnée à des fictions qui offrent une « chronique ordinaire » de la vie politique au quotidien (P. Schoeller, L’exercice de l’État) et illustrent la tension permanente entre projet commun et projet individuel (N. Héron).
Mais, au-delà de la fiction qui aime à mettre la politique en scène à travers ses figures visibles et emblématiques (présidents, ministres, députés, etc.), l’exercice du pouvoir, c’est aussi une rencontre entre décideurs et électeurs. « On a les gouvernants que l’on mérite » : cet adage bien connu a sa part de vérité dans la mesure où les gouvernants et les gouvernés partagent la responsabilité du vivre ensemble. C’est à ce point de rencontre entre citoyens et décideurs que l’intervention des corps intermédiaires – syndicats, associations, groupes de pression... – prend tout son sens (F. Fayol). La Bible offre de grandes figures exemplaires d’hommes de pouvoir qui, par leur sagesse et leur intelligence, ont permis à un tout petit peuple de survivre parmi de grandes nations. Pour ces hommes, gouverner, c’est aussi se gouverner dans l’obéissance à l’Esprit (J.-L. Ska). C’est également l’expérience que vivent les supérieurs de communautés religieuses dont le rôle est peut-être avant tout de se faire l’instrument de l’Esprit, pour se mettre à la suite du Christ et y entraîner des hommes et des femmes (J. Ferry).
Cependant, une question demeure : les règles du jeu en politique permettent-elles aux personnes en responsabilité de se « bonifier » ? Y a-t-il des moments du jeu politique qui soient des lieux d’expérience spirituelle, comme par exemple l’échec d’une réforme jugée souhaitable, le constat de son impuissance à convaincre ou bien encore la décision d’engager le feu et donc de porter la responsabilité de la mort d’êtres humains ? (J. Picq). Certes, ce qui relève de l’expérience intime, et ne peut être dicté de l’extérieur, peut véritablement être un guide dans une action politique qui est avant tout celle du terrain où la relation d’accueil et d’écoute bienveillante prime (A. Grosskost).