« Suis-je à la place de Dieu ? » est la question que Joseph pose à ses frères qui, après la mort de leur père, viennent invoquer sa clémence, en se prosternant devant lui et se déclarant ses esclaves (Gn 50,15-18). La situation est critique puisque les frères craignent que Joseph se venge d’eux, à présent que leur père n’est plus là pour garantir une paix relative entre les divers membres de la famille. « Nous sommes tes esclaves » (Gn 50,18 [1]) fait certainement écho, en fin de parcours, aux rêves de Joseph qui avaient été une des premières causes du conflit (Gn 37,5-11 : les gerbes des frères se prosternent devant la gerbe de Joseph ; le soleil, la lune et onze étoiles se prosternent devant Joseph). Le père et les frères avaient immédiatement compris le sens de ces rêves : « Vas-tu régner sur nous en roi ou vas-tu nous dominer en maître ? » (37,8) ou encore : « Quel rêve as-tu fait là ? Allons-nous avoir, moi, ta mère et tes frères, à nous prosterner à terre devant toi ? » (37,10). Or, les frères viennent une dernière fois se prosterner devant Joseph pour implorer son pardon et s’offrent à devenir esclaves de leur frère en 50,18. La fin du récit reprend donc, sous forme d’inclusion, un des thèmes principaux de toute la trame de l’histoire de Joseph, c’est-à-dire le problème du pouvoir dans la fratrie [2].
Égalité et fraternité ?
La question posée par l’histoire de Joseph peut être résumée en ces deux mots : l’égalité peut-elle rimer avec la fraternité ? Au plan des principes, il est certainement hors de question que l’égalité de tous les citoyens devant la loi soit un des fondements de la démocratie. Mais, pour revenir à l’histoire de Joseph, le problème qui se pose est plus concret : l’égalité parfaite entre frères est impossible. Trop de différences