L’ouvrage de Jean-Marie Gueullette se lit comme une promenade dans un jardin en été. Sa méditation sur la beauté du geste est jalonnée de fruits savoureux comme de senteurs subtiles. Par exemple : « Le beau geste est vécu comme un don gratuit, mais pas tant un don de l’un à l’autre qu’un don reçu par l’un et par l’autre. » Ailleurs, on peut noter la justesse du propos : « Un geste n’est jamais saturé de beauté, rempli de sens. Bien au contraire, il n’a de chance d’être beau que s’il est porteur d’un manque car, dans ce manque, il se retire, il laisse place à ce qui est plus grand que lui. » Il n’est donc pas question ici d’une recherche ou d’un travail esthétiques du geste. La beauté dont il est question est de l’ordre de la présence « lorsque, pour une fois, le sujet est pleinement présent à ce qu’il fait, sans pour autant chercher cette forme de présence ». Du coup, on peut être surpris par la présentation de l’épisode du lavement des pieds dans l’évangile de Jean comme de l’ordre d’un « faire du bien ». Certes, mais, mis en lien avec la dernière Cène, ce geste donné et reçu n’est-il pas d’abord une communication, où s’opère cet « échange merveilleux où nous sommes régénérés » ? En effet, comme l’auteur le souligne, il y a une réciprocité dans le toucher : on touche autant qu’on est touché ; il y a une « expérience de connaissance mutuelle », – connaissance, au sens fort du terme. La beauté du geste de Jésus est alors dans sa présence livrée pour que l’autre ait part à sa vie. Le texte est exigeant et demande donc une lecture soutenue, mais aussi de prendre des temps d’arrêt pour le goûter et le questionner. Saluons le risque de l’écriture pris par l’auteur, malgré sa « conviction que cette beauté a quelque chose d’insaisissable ».
 
Clément Nguyen