D’entrée, ces questions font écho aux relations pour le moins ambiguës et brouillées que l’homme d’aujourd’hui entretient avec l’obéissance et l’autorité. Les grandes trahisons du XXe siècle y sont pour beaucoup, mais aussi les analyses psychologiques et sociales qui ont mis le doigt sur la part d’inconscient où l’autorité et l’obéissance plongent leurs racines. Désormais, en contexte démocratique, on ne peut plus faire autorité sans expérience reconnue dans son domaine, et l’obéissance ne s’obtient qu’au prix d’un débat public (cf. Paul Valadier).

Ainsi, dans la période très troublée de l’Occupation, des religieux, au nom d’une autorité spirituelle, ont su désobéir aux pouvoirs en place, en révélant le mensonge dissimulé derrière leur apparence religieuse (cf. Bernard Comte). Aujourd’hui encore, beaucoup de chrétiens assument l’héritage de l’Église et le transmettent, avec joie et dynamisme, sans hésiter à être « contre-culturels » quand l’avenir et le respect de l’homme leur paraissent trop compromis. De quelle autorité sont-ils le signe ? Et quelle obéissance fonde leur action (cf. Jean-Luc Pouthier) ?

Mais l’absence de modèles en matière d’autorité à l’heure actuelle en conduit beaucoup à vouloir refonder cette autorité – malgré les risques d’illusion que cela comporte – auprès de personnes fiables. Cela implique alors de se mettre à l’écoute de sa mémoire la plus profonde, à l’école de celui qui aide à croître en confiance et en liberté, pour se dépasser, aller de l’avant (cf. Nicole Jeammet).

Aux gnostiques qui invoquaient une connaissance plus authentique du Jésus historique, l’Église des origines rappela avec force que l’Écriture n’a pas d’autorité en elle-même. L’Écriture tire son sens d’être lue et interprétée en Église et dans l’Esprit, qui donne accès au Christ et constitue les croyants en communauté de foi (cf. Marc Rastoin). En Jésus-Christ, la vérité paradoxale de l’autorité se dit comme jamais. En désignant le Père comme source unique de toute vie, le Christ met en question toute forme de pouvoir et fonde l’unique autorité dont toutes les autres sont médiatrices (cf. Yves-Marie Blanchard).

Que l’on pratique davantage aujourd’hui l’« accompagnement spirituel » que la « direction de conscience » indique bien le déplacement d’une autorité trop exclusivement hiérarchique et magistérielle vers un compagnonnage plus fraternel. Pourtant, c’est bien l’obéissance commune au même Esprit qui fonde l’autorité de l’accompagnateur, autorité indispensable à la progression de l’accompagné (cf. Remi de Maindreville). De la part des supérieurs religieux, cette obéissance à l’Esprit oblige aussi à une grande délicatesse dans l’exercice de l’autorité, partagés qu’ils sont entre le respect de la vocation de chacun et les exigences de la vie communautaire (cf. Marie-Laure Quellier et Luc Crepy). Obéir à l’autre au sein d’un couple appelle à autant de discernement... Du moins la perspective de la fidélité à l’Esprit du Christ invitet- elle à relire « dans le Seigneur » les rudes recommandations de saint Paul sur la vie conjugale (cf. Yves Roullière).

Cependant, l’éducation est le terrain par excellence où se joue ce rôle médiateur d’une autorité qui aide réellement à grandir en liberté et en humanité (cf. Christiane Conturie).