Av. -pr. J. Forest. Introd. P.-A. Burton.
Trad. C. Deniard. Lethielleux, 2006, 260 p., 20 euros.


Thomas Merton (1915-1968), trappiste, mondialement célèbre pour son ouvrage autobiographique La nuit privée d’étoiles (1948), avait écrit, au début des années 60, en plein Concile, des pages prophétiques contre la course américaine à l’arme atomique. La parution en fut interdite par deux généraux successifs de l’Ordre : un tel sujet ne convenait pas à un trappiste. C’était faire peu de cas de l’exemple de saint Bernard... Quoi qu’il en soit de l’opportunité d’une publication, cet essai avait cependant circulé à Washington, à Rome, et ailleurs, sous la forme de manuscrits ronéotypés.
Sur un fonds de références classiques, allant des Pères de l’Église à Machiavel, ce texte, publié en 2004 sous le titre américain La paix dans l’ère postchrétienne, combine les attendus classiques de la théorie de la guerre juste, argumentant en faveur d’un refus de l’arme atomique, refus catégorique pour la conscience chrétienne. Ce pacifisme était généralement jugé irresponsable en cette époque de guerre froide.
Certains des arguments de Thomas Merton contre les armes de destruction massive sont assez proches de ceux que l’on retrouvera dans l’encyclique Pacem in Terris de Jean XXIII (1963) et de la Constitution conciliaire Gaudium et Spes (1965). L’intérêt pour le lecteur d’aujourd’hui n’est d’ailleurs pas là : il est dans la posture de ce religieux – posture fort bien explicitée dans l’avant-propos de Jim Forest, et comparable, dans des circonstances similaires, à celle du P. Teilhard de Chardin : obéissance sans rébellion, assortie d’une volonté pugnace de produire au grand jour ce qui lui semblait, en conscience, nécessaire pour l’authenticité du message évangélique et pour la paix du monde.
Grande est la distance entre les procédures ecclésiastiques de l’époque et celles d’aujourd’hui. Non moins grand le changement des nouvelles figures de l’insécurité planétaire. Reste le témoignage de ce religieux hors norme, militant des droits civils et du dialogue interreligieux, et dont l’esprit fut celui du Concile.