Les religions et les spiritualités visent un dépassement de soi pour la croissance de notre être intérieur. Mais, plus qu'un dépassement, il s'agit ici d'un déplacement, un passage à découvrir plus qu'une performance à accomplir. Car c'est de notre terre intérieure et fragile que jaillit la force qui permet de grandir en confiance et en paix. Cette force, l'humilité à proprement parler, se reçoit du silence et de l'écoute de Dieu, bien davantage que d'une austère volonté de maîtrise de soi et de sa vie. En témoigne la manière dont Dieu se révèle à Gédéon dans le livre des Juges. Mais, à l'aube des temps modernes, ce déplacement intérieur fut aussi un enjeu fort de la conversion d'Ignace de Loyola.
« Suivre » le Seigneur et l'« aimer davantage » n'est ni un programme d'action au nom de Dieu, ni un choix pour une vie de sacrifice et d'austérité. « Davantage » (magis) indique une croissance, mais non une performance plus grande. Le magis vise une écoute de l'Esprit qui anime et unifie toujours plus notre manière de vivre nos multiples tâches, activités et engagements. Et cela révolutionne une vie quotidienne très dispersée, comme l'a expérimenté Marie de l'Incarnation au XVIIe siècle, ou comme l'éprouvent aujourd'hui ceux qui vivent un dépassement de soi au profit du Bien commun. Mais le plus ordinaire n'est-il pas le dépassement de soi dans la vie familiale et l'éducation, ou dans l'attention discrète et fidèle au prochain, qui deviennent des chemins de sainteté.