« Elle est immédiatement perceptible, la présence du professeur qui habite pleinement sa classe. Les élèves la ressentent dès la première minute de l’année, nous en avons tous fait l’expérience : le professeur vient d’entrer, il est absolument là, cela s’est vu à sa façon de regarder, de saluer ses élèves, de s’asseoir, de prendre possession du bureau. Il ne s’est pas éparpillé par crainte de leurs réactions, il ne s’est pas recroquevillé sur lui-même, non, il est à son affaire, d’entrée de jeu, il est présent, il distingue chaque visage, la classe existe aussitôt sous ses yeux… Cette présence, je l’ai éprouvée une nouvelle fois, il y a peu, dans la classe où m’invitait une jeune collègue. J’ai voulu en savoir davantage sur la maîtrise qu’elle avait de ses élèves, leur bonheur manifeste d’être là, la pertinence de leurs questions, le sérieux de leur écoute, le contrôle de leur enthousiasme, leur emprise sur eux-mêmes quand ils n’étaient pas d’accord entre eux, l’énergie et la gaieté de l’ensemble, bref tout ce qui tranchait tellement avec la représentation effrayante que les médias propagent » 1.
D’où vient la magie de cette aisance ? Charisme personnel ? Posture bien en place ? Règles du jeu adoptées par tous ? Confiance apprivoisée ? Métier maîtrisé ? L’autorité est-elle innée ou peut-elle s’acquérir ?
Dans Chagrins d’école, ouvrage qui passe de main en main avec une bonne dose de complicité, Daniel Pennac évoque, avec malice et sincérité mêlées, son adolescence de « cancre », rebelle au cadre scolaire et aux adultes dont les attentes lui paraissaient toujours décalées. La force de son témoignage, c’est qu’après avoir subi l’école, et rencontré par bonheur parmi ses professeurs quelques « sauveurs d’enfants », il est devenu lui-même enseignant et s’est efforcé de « sauver » de l’ignorance des générations de jeunes ! La vaste culture dans laquelle il les plonge avec audace, l’énergie qu’il