Saint Ignace a confié le récit d'un certain nombre d'événements de sa vie, à la demande instante du père Jérôme Nadal d'exposer pour ses compagnons « la manière dont le Seigneur l'avait dirigé depuis le début de sa conversion ». Au cours de ce récit, Ignace lui-même dit, par exemple, à son interlocuteur, le père Louis Goncalvès : « Il lui arriva une chose qu'il sera bon d'écrire pour que l'on comprenne comment Notre Seigneur se comportait avec cette âme qui était encore aveugle. »1

Ignace témoigne donc de ce qui lui est arrivé comme venant du comportement d'un Autre à son égard. Cela a pu le conduire à un dépassement de lui-même, parfois héroïque, mais seulement dans la mesure où il a accepté de dire « oui » à ce qui le dépassait, à savoir la présence transcendante d'un Autre dans sa vie.

C'est ainsi qu'il est possible de se tromper sur la signification de ce qui est souvent rapporté dans la vie des saints comme héroïque dépassement de soi-même, selon une vision hagiographique qui en fait des héros plutôt que des saints. En ce sens, le récit d'Ignace n'a rien d'une hagiographie.

Au début, par exemple, Ignace raconte les opérations à la jambe qu'il subit après une très grave blessure reçue au siège de Pampelune : « Et l'on fit de nouveau cette boucherie durant laquelle… il ne dit jamais un mot et ne manifesta d'autre signe de douleur que de serrer beaucoup les poings… Il lui resta sous le genou un os qui chevauchait un autre… Et l'os était à cet endroit si proéminent que c'était chose laide » (n° 2). Malgré l'avertissement des médecins, il demande une nouvelle opération : « Il se décida à se martyriser de son propre gré, bien que son frère aîné s'épouvantât et dit que