Le grand poète irlandais William Butler Yeats (1865-1939) habitait Dublin pendant la révolte contre l'autorité britannique qui a commencé le lundi de Pâques 1916. L'histoire est tragique : la rébellion était trop faible pour réussir, mais la réaction inepte du gouvernement britannique et sa décision d'exécuter les meneurs ont radicalisé l'opinion publique irlandaise et introduit dans le conflit une amertume qui ne s'est jamais complètement dissipée.
Yeats a écrit un magnifique poème sur cette rébellion : Pâques 1916. Il connaissait certains de ses protagonistes et l'un d'eux avait été son rival amoureux. Il évoque à quel point ses relations avec eux étaient banales autrefois, marquées par des « paroles polies et dénuées de sens ». Mais, maintenant, le monde est différent.
Yeats médite sur la fermeté des intentions des chefs rebelles : « les cœurs qui n'ont qu'un seul but » semblent « envoûtés par une pierre » et restent figés, alors qu'autour d'eux, la vie des autres et de la nature suit son cours. « Minute par minute » d'autres vivent leur vie, mais leur détermination reste constante : « La pierre est au milieu de tout. » Yeats avoue une admiration bien réelle pour les insurgés, mais il est aussi conscient que la détermination et l'idéalisme peuvent devenir excessifs :
Une détermination constante peut devenir une rigidité immobile. Les idéaux qui peuvent nous ennoblir peuvent aussi devenir mortels. La plupart d'entre nous commencent leur existence avec un sain désir de faire le bien. Ce désir dégénère facilement : on est poussé à atteindre des objectifs de plus en plus exigeants, ou à produire quelque chose de nouveau et d'original. Le résultat peut être ce que les psychologues ont surnommé le burn-out professionnel. Nous devenons épuisés, saturés, bons à rien.
La spiritualité ignatienne est bien sûr marquée par une fermeté d'intention, par une quête du magis (« davantage »), par une recherche de la gloire de Dieu toujours plus grande. Le terme