Notre propos n’est pas de chercher des raisons éthiques ou spirituelles à cette crise, ni d’émettre sur elle un jugement moral. Il s’agit plutôt de voir dans quelle mesure l’expérience de la vie spirituelle peut éclairer de son jour propre ce qui précisément peut nourrir un tel sursaut, ce qui y fait obstacle, et peut-être aussi ce qui relève de l’illusion, ce qui à proprement parler peut « abuser » les acteurs et les agents que nous sommes et nous enfermer dans le découragement.
Comme un coup de massue
La forme de désespérance actuelle n’est pas le seul résultat de faits qui se répètent et conduiraient à un sentiment d’impuissance à s’en sortir. Certes, l’effondrement financier avec ses conséquences sur le travail et l’économie font l’effet d’un coup de massue qui paralyse de nombreux ménages. Une précarité qu’on croyait révolue se dresse à nouveau comme unique horizon pour beaucoup. Cela tempère les jugements affirmant que la crise va nous réveiller et que nous en sortirons collectivement renforcés : ils oublient que cette crise touche les hommes de façon très inégale. Elle fait souffrir, appauvrit et réduit au chômage la partie la plus vulnérable de l’humanité. Et l’on n’observe pas aujourd’hui de mobilisation d’opinion et de solidarité comparable à celle des années 80 devant l’émergence des « nouveaux pauvres ». Chacun sent bien que cette situation est mondiale, complexe, et nous échappe largement. Forts ou fragiles, nous sommes tous concernés et appelés à être acteurs.
D’autres éléments jouent aussi dans ce manque de réactivité : l’évitement, ou la peur tout simplement, qui se répand en séparant, en isolant, comme dans La peste d’Albert Camus. Personne n’a le désir d’être touché et chacun souhaite tirer au mieux son épingle du jeu.
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