Là où l’homme est aux prises avec lui-même et avec le monde où se joue sa vie, là, dans l’obscur de la foi, travaille l’Esprit, là le Dieu d’amour se révèle créateur et sauveur, au service d’une liberté plus juste, plus solide.

Sur ce plan justement, nous avons entendu à plusieurs reprises une critique fort intéressante : ne manque-t-il pas dans ce numéro un article de fond sur « l’Eglise et l’estime de soi » ? L’Eglise ne joue-t-elle pas encore à bien des égards un rôle très déterminant sur l’estime ou la mésestime de soi, par les valeurs et les images qu’elle promeut ou qu’elle condamne, par les comportements qu’elle encourage ou ceux qu’elle réprouve ? C’est vrai que nous n’avons pas choisi de développer cet aspect de la question dans ce dossier. Nous avons préféré nous centrer sur les chemins de reconstruction et de croissance d’une juste estime de soi, plutôt que nous mettre en recherche de responsabilités d’une mésestime de soi.


Un tel article serait pourtant nécessaire. Il y a d’une part le poids d’images déformées de Dieu, d’injonctions réductrices, mortifères même. Liées à une certaine idée de la religion, elles continuent à marquer parfois l’éducation, à fonder certaines formes d’autorité ou d’obéissance. Mais elles relèvent davantage d’attitudes psychologiques d’impuissance ou de résignation.

Il y a aussi, d’autre part, un fond vraiment spirituel et théologal, qui s’appuie entre autres sur ces passages de Lettres où Paul semble valoriser à l’extrême l’humiliation, le sacrifice, la faiblesse, au nom même de sa foi. Sans doute gagnerait-on à les relire aujourd’hui et à les méditer. Peut-être y (re)découvrirait-on que Paul bien loin de se mésestimer, « met sa fierté dans ses faiblesses » et « s’y complait »  non pour les subir, mais parce que là il s’offre à Dieu, qui « manifeste sa puissance et sa gloire » en lui rendant en échange une pleine et entière liberté à leur égard (2Co, 12, 9-10).


Dès l’origine, l’Eglise ne s’est pas bâtie sur la doctrine et les connaissances divines d’hommes religieux. Elle s’est édifiée sur la pauvreté spirituelle d’hommes ordinaires et non experts, qui ont répondu à l’appel du Christ en mettant en lui toute leur foi et leur vie. Ils ouvraient ainsi au lieu même de leurs faiblesses, une espérance qui donnait chair à une humanité réellement nouvelle car libérée de la peur qui ruine toute estime.

C’est la mémoire de tous ceux qui ont emprunté ce chemin depuis toujours que nous fêtons à la Toussaint.

                                                 Remi de Maindreville, sj