En quoi elle rencontre le soupçon. À supposer que Dieu existe, comment pouvons-nous croire qu'il nous parle ? N'est-ce pas un anthropomorphisme que la raison détruit ? Objection préalable, mais dont on peut penser qu'elle est extérieure à la foi, qu'au surplus elle dépend d'une notion de « Dieu » que la foi, à son tour, conteste.
Toutefois, le soupçon peut prendre un autre style. Telle parole que l'on dit de Dieu, comment ne serait-elle pas parole humaine ? Elle appartient nécessairement à nos langages, elle entre dans nos histoires et nos structures ; sinon, elle serait inaccessible à nos oreilles. Et comment ne serait-elle pas dite par un homme ? Si l'Auteur de la Bible est Dieu, reste que ses auteurs sont des hommes, absolument pas affranchis de la condition commune : ils sont de leur temps, de leur langue ; ils ont leur lieu, leur croyance, leurs composantes personnelles. Le grand scandale de l'exégèse, à la fin du XIXe siècle, c'est qu'elle fit découvrir, à la consternation des croyants, que leur livre saint était, pour la froide analyse, un livre comme les autres. À la question : « Qui parle ? », la réponse est : « l'homme » ; et non point l'homme en général, mais des hommes, dans leurs limites.
Toutefois, l'on peut penser que, si sérieuses qu'elles soient, ces questions demeurent encore extérieures à la foi. Elles indiquent des conditions qu'il peut être onéreux de reconnaître. Elles ne peuvent trancher le point décisif : en ultime instance, à travers ces hommes, tels qu'ils sont, est-ce Dieu que nous pouvons entendre ? Au surplus, dans une perspective d'incarnation, il n'y a point fondamentalement scandale : c'est bien en l'homme que Dieu parle. La parole subsistante de Dieu, son « Verbe », n'est-ce point pour nous l'Homme en vérité, le Christ ?
Mais la question « qui parle ? » peut prendre un autre ton : non pas une objection, élevée de l'extérieur, mais une interrogation présente à la démarche de la foi elle-même. Car c'est aussi une question posée en la Bible : quand un homme se lève et déclare « parole de Yhwh », est-ce bien Yhwh qui parle par sa bouche, ou bien n'est-il qu'un faux prophète ? Et cette question culmine