Dans la Bible, le désir de voir Dieu est plusieurs fois exprimé. Dieu dit notamment à Moïse : « Tu ne peux voir ma face, car l'homme ne saurait me voir et vivre » (Ex 33, 20). Dieu peut donc être vu de dos, mais non de face, comme il l'exprime à Moïse, sous forme de compromis : « Alors, quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et, de ma main, je t'abriterai tant que je passerai. Puis j'écarterai ma main et tu me verras de dos ; mais ma face, on ne peut la voir » (Ex 33, 22-23). Au même endroit, le prophète Élie se voile le visage alors que Dieu passe (1 R 19, 13). Le peuple l'a entendu parler du milieu du feu mais ne l'a pas vu (Dt 4, 12). Le prophète Isaïe dit avoir contemplé, dans une vision, le Seigneur assis sur un trône (Is 6, 1), alors que le prophète Ézéchiel s'exprime avec plus de réserve (Ez 1, 26-28). Il dit avoir vu « la ressemblance de la gloire du Seigneur » (selon la Traduction œcuménique de la Bible). Cet arrière-plan biblique permet de mettre en perspective la demande du disciple de Jésus, Philippe, telle qu'elle est exprimée dans l'évangile de Jean : « Seigneur, montre-nous le Père, cela nous suffit » (Jn 14, 8). Cette demande est adressée à Jésus.

Cet épisode de l'évangile de Jean donne probablement accès, quoique indirectement, à une question qui court dans la communauté johannique et qui peut avoir des échos contemporains. Quand les uns sont prêts à reconnaître, en Jésus, un prophète à part, voire l'envoyé de Dieu attendu, d'autres échangent sur son identité de Fils. Que signifie de le reconnaître non pas seulement comme fils de Dieu, mais comme Fils du Père ? Philippe se fait, en quelque sorte, le porte-parole de ce questionnement quand il demande : « Seigneur,