La première façon de remercier, c'est de montrer de la joie pour ce qu'on a reçu.

Si vous offrez, pour les fêtes ou pour un anniversaire, un cadeau et que, le paquet ouvert, vous voyez le visage de l'autre s'illuminer, montrer du premier coup, sans fard, sa joie, sa satisfaction – c'était justement ça qu'il désirait, qu'il n'osait pas se payer ! – alors vous êtes vous-même, vous le donateur, comblé.

Tandis que si la déception ou l'indifférence ont d'abord paru, toutes les effusions de gratitude, les remerciements répétés (d'autant plus répétés qu'il faudra compenser le premier mouvement), toute cette politesse vous sera plutôt amère.

Car le cadeau, c'était vous-même, c'était ce que vous aviez cru qui ferait plaisir, c'était votre désir d'être accordé au désir de l'autre. Vous vous faisiez une joie de sa joie. S'il n'aime pas, c'est raté. Une irrésistible tristesse reflue vers vous, à la mesure même du sérieux de votre don. (Bien sûr, entre grandes personnes et qui s'aiment bien, on saura surmonter le malentendu, et même en rire ; c'est le cœur qui compte, tout de même…).

Si la reconnaissance est un dû…

Il est vrai qu'il y a peut-être des gens qui tiennent davantage aux « marques extérieures de respect », comme on dit dans le domaine militaire, qu'à la joie de ceux à qui ils donnent : signe qu'en vérité, ils ne donnent guère, puisqu'ils veulent, par leur cadeau, payer la gratitude. Et ils sont très choqués qu'elle ne soit pas à hauteur de ce que ça leur a coûté, comme si la reconnaissance était un dû, et qu'en manquer soit une rupture de contrat.

Éternellement débiteurs

Il paraît que nous devons remercier Dieu. L'image de Dieu que ce devoir de reconnaissance fait surgir est, trop souvent, celle du donateur exigeant, qui n'a aucun sens de la gratuité. Et, comme Dieu, n'est-ce pas, donne tout, le remercier convenablement, c'est… lui rendre tout. De sorte qu'en vérité, il ne donne rien. C'est un truc ! Suprême habileté du pouvoir suprême : si le maître se fait généreux, plus d'échappatoire. On n'est plus seulement contraint, l'exigence pénètre jusqu'au cœur : quoi de plus naturel, de plus « spontané » même, que de montrer sa gratitude ?

Évidemment, qu'on s'en rende compte ou non, cette gratitude