La scène se passe dans un grand hôpital parisien. Quinze personnescontemplent attentivement un grain de raisin sec, que chacune tient entre pouce et index. En silence, elles observent son apparence, le reniflent puis, lentement, le portent à leur bouche, le mâchent très doucement, très lentement, les yeux fermés, prennent, avant de l’avaler, le temps d’en percevoir le goût, la consistance. Après l’avoir – enfin – avalé, elles gardent les yeux fermés pour continuer, le plus longtemps possible, d’observer la persistance dans leur bouche de la saveur du grain de raisin, qui voyage maintenant à l’intérieur de leur corps…
L’exercice du grain de raisin est un classique des approches psychothérapeutiques basées sur la pleine conscience, cette technique de méditation empruntée au bouddhisme, puis laïcisée et codifiée afin de devenir un outil d’aide psychologique. Mais pourquoi cet étrange cérémonial ? Que vise-t-on ?
Tout simplement ceci : prendre conscience. Prendre conscience de ce que nous ressentons, écouter nos sensations, notre corps, et tenir compte de leurs messages. Prendre conscience de ce que nous faisons et vivons, au lieu de tout faire en pleine inconscience, sans y songer, l’esprit absorbé ailleurs ou dispersé partout. Les participants sont souvent marqués par l’exercice : « C’est la première fois que je prête ainsi attention à la nourriture », « Habituellement, à l’apéritif, je les engouffre cinq par cinq », « Je n’avais jamais senti le vrai goût d’un raisin sec », « J’étais arrivé à la séance avec un petit creux et, là, j’ai l’impression qu’avoir ainsi pris mon temps m’a rassasié avec un seul grain de raisin », etc. Le but de la méditation de pleine conscience n’est pas seulement centré sur la nourriture 1, mais sur l’ensemble de notre vie. Pourtant, l’alimentation y est l’objet de nombreux exercices, comme