Chacun porte en soi une aspiration profonde à réussir sa vie, qui génère en lui un désir d’aller toujours plus avant et de développer toujours plus et mieux les diverses composantes de son existence : vie affective, carrière et vie professionnelle à travers ses compétences et savoir-faire, affirmation de soi dans des engagements et activités dont il tire satisfaction, notoriété… Ce « davantage », moteur de son aspiration à une vie plus intense, ouvre une question spirituelle décisive : dans l’entremêlement des possibles et des attirances, à travers des expériences positives et négatives, comment distinguer ce qui est porteur de vie véritable de ce qui n’est qu’illusion ? Comment développer des relations sereines avec autrui tout en menant sa barque le mieux possible ? (Christophe Duval-Arnould). Ce qu’on désigne par « développement personnel » n’a pas la prétention d’aller au fond des choses. Il offre une réponse pragmatique et ajustée à quiconque tâtonne à la recherche de lui-même quand il éprouve le besoin de mieux se comprendre ou s’accepter, de mieux prendre en charge une difficulté, un doute ou une souffrance qui trouble le rapport à soi-même ou aux autres. De là sans doute son succès, mais aussi l’interrogation qu’il fait naître chez ceux qui cherchent un chemin de foi (Bernard Bougon). Le « développement personnel » se présente d’abord par un impressionnant foisonnement de livres, méthodes et propositions à partir de multiples entrées possibles.

Plus qu’un ensemble cohérent, c’est une mouvance dans laquelle se distinguent plusieurs pôles : thérapeutique, philosophique ou sapientiel, spirituel ou confessionnel. L’apprentissage du bien-être en toutes situations, les composantes affectives comme critères et le groupe comme référence permettent-ils de déceler une « quête de l’homme fort » sous la recherche d’une transformation de soi ? (Élodie Maurot). Le contexte de rationalisation de l’action et de la société à partir du travail industriel, où cette mouvance est née, ouvre de nouveaux besoins de réalisation de soi mais, comme l’a analysé le psychologue Abraham Maslow, cet épanouissement passe par une reconnaissance sociale, une capacité à comprendre les autres pour agir avec eux, qui les implique et dépasse le seul objectif personnel (Anne Mortureux). Particulièrement adaptés aux situations de changement dans les organisations, les outils du « développement personnel », en particulier le coaching, imposent une prudence et une vigilance face aux risques d’attachement excessif aux méthodes ou aux personnes, aux risques de perversion possible (Alain Verret). Parmi ces outils, l’ennéagramme connaît depuis vingt ans un succès étonnant dans les milieux catholiques par l’aide qu’il apporte à une plus grande lucidité sur l’intériorité personnelle et la relation à l’autre. En aidant à se rendre plus disponible à la grâce et au travail de l’Esprit, il demeure un moyen au service d’un discernement plus ajusté (Marie Dolores Marco). En effet, ce qui constitue la quête d’identité de l’homme d’aujourd’hui relève sans doute moins d’un manque de capacités ou de potentialités à développer que d’une soif de reconnaissance inconditionnelle. Seule la parole porte en elle ce désir de l’Autre et d’une présence infiniment diverse, que les multiples voies du « développement personnel » ne sauraient combler (Jean-François Noel). De même, si l’Église peut tirer grand profit des technologies et méthodes professionnelles en matière de rigueur, d’organisation et de clarification, il reste qu’elle ne se construit pas sur le modèle des réseaux amicaux et connectés. C’est la foi chrétienne, à la lumière des Écritures, qui nous aidera à tirer le meilleur parti d’outils nés du génie humain pour un plus grand service de l’homme et de la gloire de Dieu (Luc de Saint Basile).

« Développement personnel » et chemin de foi ne sont pas étrangers l’un à l’autre, car c’est toujours tenter de vivre au mieux qu’il s’agit, mais les chrétiens estiment que l’autonomie recherchée n’est pas le tout de l’homme. Ils se savent attendus, appelés, aimés comme le plus petit des hommes et choisissent de vivre dans une attention à Dieu et aux autres, à travers l’écoute de sa Parole. Toute leur tradition leur donne à voir la splendeur de vies ainsi conduites, très différentes les unes des autres, dans lesquelles ils reconnaissent des vies vécues en plénitude (Françoise Le Corre).