Les célébrations qui viennent de se passer à Verdun font prendre conscience que la réconciliation franco-allemande, impensable il y a cent ans, a pourtant bel et bien eu lieu. Et voilà qui, d’un coup, fait sentir ce qu’est la brèche de l’espérance quand rien ne semble possible. Au-delà même du rêve et de l’imagination, tout ce qu’il faut traverser de violence, de résistance, ce qu’il faut mettre en œuvre pendant cent ans de renoncement, de conversion, d’alliances politiques et économiques, mais aussi de gestes humbles et patients, accueillir chez soi des familles qui autrefois étaient l’ennemi. Si la réconciliation a été possible ici, alors l’inespéré pourra se produire ailleurs, sur d’autres terres ensanglantées, mais ce ne sera jamais sans l’acharnement de ceux qui ne regardent pas leurs frères d’abord comme des ennemis.

Aujourd’hui, en Syrie, dans des cités dévastées où les armes n’en finissent plus de tuer et d’opposer des familles déchirées, des religieuses et religieux scolarisent plus de 3 000 enfants sunnites, chiites et chrétiens d’Églises diverses. Ils apprennent, lisent, chantent, jouent ensemble, prient, dans l’espoir que, lorsque des aînés leur mettront une arme dans les mains, ils refusent d’en faire usage et se souviennent des liens tissés avec ceux qui ne sont déjà plus leurs ennemis. La paix commence ici, au cœur de la guerre et de la violence. Les prophéties d’Isaïe, « le loup habitera avec l’agneau » (Is 11,6), ne sont pas d’un inaccessible futur. À Verdun, avec des milliers de jeunes, on en a célébré déjà un peu l’histoire, bien réelle. En Syrie, quelques enfants entourés de personnes de bonne volonté défient l’inespéré et fondent une histoire fraternelle, promesse bien réelle de réconciliation.