Dans nos sociétés fatiguées, beaucoup sont envahis par le doute. Doute sur eux-mêmes, doute sur Dieu, doute sur l’amour, sur la possibilité réelle de faire de sa vie quelque chose de juste, de beau, de vrai… Ce doute nous fragilise d’autant plus que se multiplient à l’envi les méthodes qui prétendent « fortifier l’homme intérieur » en développant en nous la personne, en consolidant une juste estime de soi que la densité du quotidien rend nécessaire.
Pourquoi Gédéon ?
La Bible, qui n’est pas à court de trésors, recèle un personnage attachant qui peut nous rejoindre dans cette quête, pour peu qu’on y prête attention : Gédéon. Dernier de la famille sans statut ni prétention, il est l’homme que Dieu choisit pour rassembler et libérer son peuple exténué par les razzia incessantes de Madiân, dans les montagnes méridionales de la Terre promise. Rien ne l’y prédisposait. À relire cette histoire, surtout les chapitres 6 et 7 du Livre des Juges, on est saisi d’entrée de jeu par deux sentiments : 1. Une très grande proximité intérieure, spirituelle, avec ce qu’aujourd’hui nous pouvons éprouver sur notre vie et celle des autres ; 2. Son adéquation avec la fameuse formule du jésuite hongrois Hevenesi du XVIIe siècle :
Voici la première règle de l’agir : Ainsi fie-toi à Dieu comme si le succès des choses dépendait tout entier de toi, et en rien de Dieu ; alors pourtant mets-y tout ton labeur comme si Dieu seul allait tout faire, toi rien.
Quelle est donc cette force intérieure dont dépend le « succès des choses » et qui se révèle au contact de Dieu ? En quoi consiste ce « tout faire » de Dieu au coeur de notre « labeur » le plus quotidien ? De là, quelle lumière l’histoire de Gédéon projette-t-elle sur l’estime que nous avons de nous-mêmes et sur son rôle si décisif dans nos combats les plus ordinaires ? Suivons Gédéon dans son histoire telle que la Bible la raconte.
La faiblesse de Gédéon
Gédéon incarne une forme de faiblesse qui se nourrit de fatalisme : « Maintenant le Seigneur nous a délaissés en nous livrant à Madiân » (Jg 6,13). Il n’a pas de grande estime pour lui-même : « Mon clan est le plus faible en Manassé, et moi, je suis le plus jeune dans la maison de mon père… Comment sauverais-je Israël ? » (6,15). Son assurance est chancelante