L'expérience dont je vais parler a eu lieu il y a quelques années à Paris, dans le cadre d'une semaine de prière accompagnée en paroisse. Le curé de ce lieu avait le souci d'apprendre aux jeunes à prier et avait proposé la « retraite » à deux enfants de 12 ans dont il savait qu'ils étaient tout à fait à même de vivre une telle démarche : en effet, ils avaient la maturité spirituelle suffisante, une expérience de prière personnelle et familiale et ils étaient volontaires. D'emblée, le sérieux avec lequel ces enfants se sont engagés m'a étonnée. Tous deux s'étaient organisés pour la semaine, ils avaient intégré un temps de prière de vingt minutes dans leurs journées, sans difficultés.

La semaine commençait par une réunion avec tous les participants. On y explicitait le cadre : comment prier, le rôle de l'accompagnateur, etc. Il fallut que je reprenne la présentation dans un langage adapté, notre discours habituel n'était absolument pas accessible à des enfants. De même, pour leur présenter les textes sur lesquels ils allaient prier, je veillais à prendre le temps de leur raconter l'histoire avec précision ou de les lire avec eux afin de vérifier qu'ils avaient compris, car ce qui était clair pour les adultes ne l'était pas forcément pour ces enfants. Je donnais par ailleurs des points précis et courts – « Regarde, écoute, etc. » – sans me lancer dans des explications qui risquaient de les perdre. Enfin, je savais d'expérience qu'il fallait faire attention à l'imaginaire des jeunes et éviter de leur donner à méditer des scènes telles que la tempête apaisée ou la marche sur les eaux, qu'ils risquaient de transformer en épisodes merveilleux, au détriment de ce que le texte pouvait leur dire.

Comme je l'ai dit, les deux enfants que j'ai accompagnés sont entrés dans la démarche avec beaucoup de sérieux et de facilité ; ils ont montré une grande capacité à se plonger dans les scènes bibliques. Les enfants n'ont pas nos barrières et sont rejoints par cette approche « sensible » alors que les adultes résistent parfois. Ainsi, après avoir prié sur l'histoire du jeune homme riche dans Marc, un des enfants me dit que la question de l'homme riche à Jésus l'avait choqué ; elle lui paraissait tellement brutale ; devant mon interrogation, il m'avait expliqué : « Tu sais bien, dans la prière, on commence par se présenter ; et Dieu, on l'écoute d'abord avant de lui poser des questions. » Puis, en conclusion, il avait exprimé le sentiment que lui laissait ce récit : « Dans cette histoire, tout le monde est triste, l'homme riche est triste, Jésus est triste et moi ça me rend triste. »

Des paroles partagées lors de nos rencontres montraient que, par la contemplation de la vie de Jésus, une véritable rencontre du Seigneur et de sa « façon de faire » s'opérait. Sur le texte de Bartimée, l'un d'eux me dit : « Tu sais, si Dieu n'avait pas donné la vue à Bartimée, il lui aurait donné autre chose, tellement il a la foi. » À propos d'un autre texte, l'un d'eux m'avait fait la remarque suivante : « Il faut que je demande à Dieu de l'aimer plus pour le suivre. » Ce qui est classique, somme toute, mais, après une pause, l'enfant avait poursuivi : « Dieu ne veut pas que nous soyons parfaits, il veut des saints… »

Ces jeunes que j'ai accompagnés avaient déjà une foi sur laquelle s'appuyer, mais je crois que cette semaine les a simplement aidés à entrer dans une plus grande familiarité avec Jésus.