Il y a dans les Évangiles quelques figures remarquables de la paternité. Elles sont d'autant plus fortes qu'elles sont mentionnées fugacement, voilées de discrétion, certaines ne portent même pas de nom. Des figures paternelles qui passent ainsi que des étoiles filantes et dont l'intensité lumineuse, à première vue assez faible lors de leur apparition dans le texte, s'accroît et s'aiguise indéfiniment après leur passage.
Zacharie, la première de ces figures, se tient au levant de l'Évangile de Luc. Il n'est pas encore père, sinon « en creux », dans le chagrin du manque Son désir de paternité est en souffrance — son épouse Élisabeth est stérile et tous deux sont déjà âgés. Mais soudain l'inespéré survient : un ange lui apparaît pour lui annoncer que sa longue prière a été exaucée, Élisabeth va enfanter un fils.
Sur le coup, c'est moins la joie qui l'envahit que la surprise, le doute même. Il a attendu si longtemps, en vain, que son attente a fini par béer dans le vide. Et il reçoit l'enfant de sa chair non comme un dû, une évidence, aussi tardive soit-elle, mais comme un don, une grâce. Ainsi instaure-t-il dès l'origine une distance au sein de son amour paternel ; une distance féconde où son fils pourra déployer sa liberté, accomplir son propre destin, et non pas celui que lui, le père, pourrait souhaiter lui