Le seul point commun entre ces deux ouvrages est l’humanité blessée. Mais les approches de cette humanité relèvent de deux univers complémen­taires. Xavier Emmanuelli, cofondateur de Médecins sans frontières, créateur du Samu social, relit sa vie dans un style très prenant : rencontres, sensations fortes devant les flots de misères qu’il s’agit d’affronter à la prison de Fleury- Mérogis, dans les rues de Paris, au Pakistan ou au Congo, alors même que les professionnels de l’humanitaire, l’opinion publique internationale – sans parler des responsables politiques –, se cachent derrière des prétextes désinfor­més et mal pensés. Cette sorte de tes­tament, véritable relecture spirituelle, témoigne sans grandiloquence d’une vie intérieure intense. Les confidences qui affleurent ici et là aux accents de « piété » ne doivent pas tromper : en dépit des dénégations de l’auteur, il n’est nullement mû par une « foi du charbonnier », mais par une foi profon­dément réfléchie ; et son penchant « un peu cathare » montre simplement qu’Emmanuelli s’affronte sans faux-fuyant au mystère de la vie. Dans un tout autre style, plus distan­cié, Patrice Gourrier, prêtre du diocèse de Poitiers et psychologue praticien, nous offre d’une part une relation de cas d’alcoolisme où il remet à sa juste place le rôle des « groupes de parole », et d’autre part le suivi d’un homme dépressif qu’il a accompagné dans son chemin vers la liberté. Contre une pra­tique purement médicamenteuse de la psychiatrie et le repli sécuritaire de l’opinion publique orchestrée par une certaine politique, l’auteur rappelle avec bonheur la place centrale de la subjecti­vité du patient, en voyant dans l’alcoo­lisme le masque qui sert à cacher une honte plus profonde, et en faisant du sujet l’acteur principal de sa guérison.