Taizé. Quelques images furtives à la télévision ou dans un magazine évoquent des temps de rencontres et de célébrations qui surprennent : des foules bigarrées, une atmosphère de recueillement autour d'une communauté œcuménique de personnes jeunes, des chants litaniques et répétitifs, un vieil homme rayonnant et désarmant… Dans des capitales européennes comme dans la campagne bourguignonne, paix et silence. Fuite du monde dans la liturgie ? Culte d'un « être bien ensemble », compensation frileuse pour jeunes en mal d'expériences affectives sans lendemain ? D'aucuns soupçonnent que, malgré leur dimension collective, ces rassemblements pourraient n'être qu'une nouvelle forme de piétisme et faire oublier la formule des années 1970 qui donnait son nom à l'un des livres de frère Roger : Lutte et contemplation. La communauté de Taizé et les jeunes qu'elle accueille auraient-ils perdu le sens de cet équilibre paradoxal ? Ou bien est-ce que cette expression n'aurait plus lieu d'être entendue de nos jours ?
C'est un appel au secret d'une relation personnelle avec Dieu qui, en 1940, a conduit frère Roger au village de Taizé, apparaissant alors comme un bout du monde. « Souvent la voix de Dieu se transmet à l'homme dans un souffle de silence1. » Quoique l'on soit loin ici du Carmel ou de l'Horeb, la référence à Élie, figure du Christ et présent lors de la Transfiguration, jaillit comme une invitation transmise : une mise à l'écart du monde, un retrait provisoire, parce que, dans le silence, Dieu se laisse découvrir, qu'il se fait entendre et qu'il vous renvoie au monde avec une lutte à mener. Christ s'est fait connaître, il a pris visage d'homme, visage de tout homme.