« Quand tu aimes, il faut partir »1, dit le poète. Des mots que frère Roger, le fondateur de la communauté de Taizé, aurait pu prendre à son compte. À relire sa vie, de départs en déplacements, se dessine tout un itinéraire d'intranquillité quoiqu'il ait bel et bien planté sa tente à Taizé, au point que le nom de ce petit village de Bourgogne soit devenu comme son patronyme et celui de tous ses frères, sa nouvelle famille. Une vie pleine de paradoxes et d'interrogations, d'espérance aussi, celle d'un homme qui n'a pas hésité à vivre sur la brèche, « tendu de tout son être en avant » (Ph 3,14). En août 1940, en quelques coups de pédale, il quitte Genève et s'élance tout joyeux vers l'inconnu, mû par la nécessité de s'en aller loin des siens, même sans un plan bien établi. Répondant à un appel intérieur lentement consenti mais pas encore déployé, il va « chercher » en France les contours d'une vie communautaire et d'un service à rendre, encore incertains… Des rencontres l'initient au cheminement escarpé de l'œcuménisme, une voie de dépouillement qui conduit frère Roger à prendre lui-même le risque d'autres déplacements comme se rendre à Rome dès 1949, se mettre à l'écoute de l'Amérique latine, etc., mais aussi accueillir en grand nombre des jeunes de toute la terre et se mettre à leur écoute. Initiatives qui, sans être toutes mises sous le signe de la rupture, non seulement infléchissent durablement la vie communautaire à Taizé mais encore exercent une influence réelle sur la vie de l'Église.

À cause du Christ

Quand le Christ marque un homme ou une femme pour une vocation spécifique, c'est toujours un appel à un départ, même immobile, à un ailleurs ou à un autrement qui