MICHEL FEDOU S.J. Théologien, Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris.Traducteur d’Origène, il a récemment publié : Regards asiatiques sur le Christ (Desclée, 1998), La voie du Christ : genèses de la christologie dans le contexte religieux de l’Antiquité du IIe siècle au début du IVe siècle (Cerf, 2006) et L’Église des Pères : initiation à la théologie patristique (Médiasèvres, 2007).Dernier article paru dans Christus : « L’Odyssée : poème de la victoire sur l’oubli » (n°219, juillet 2008).
Le christianisme est né à une époque où les mouvements de populations étaient fort nombreux. Certaines villes étaient particulièrement cosmopolites : ainsi Alexandrie, où affluaient des commerçants de toutes parts, et qui était comme un pont entre l’Occident et l’Orient ; ainsi surtout la ville de Rome, où arrivaient de nombreux immigrants venus des différentes régions de l’empire – apportant avec eux leurs langues, leurs coutumes et leurs traditions religieuses. Ces immigrants étaient certes de conditions très différentes (certains, par exemple, étaient esclaves, tandis que d’autres avaient été affranchis). De soi, en tout cas, l’homme qui avait quitté une ville pour s’installer dans une autre ville de l’empire n’acquérait pas le droit de cité dans celle-ci : il comptait encore comme citoyen dans sa ville d’origine, et, dans sa nouvelle ville, était considéré comme « étranger domicilié » (en grec : paroikos).Il faut avoir cela en mémoire lorsqu’on lit, dans un écrit qui a été probablement composé à Alexandrie vers la fin du IIe siècle, cette fameuse formule à propos des chrétiens : « Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. » L’écrit en question est adressé à un païen nommé Diognète, qui avait posé plusieurs questions à propos des chrétiens : entre autres, demandait-il, « pourquoi ce peuple nouveau – ce nouveau mode de vie – n’est-il venu à l’existence que de nos jours et non plus tôt ? » 1. L’À Diognète nous donne la réponse d’un auteur chrétien à ces questions (un auteur dont l’identité est d’ailleurs inconnue, même si Henri-Irénée Marrou a émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de Pantène, le maître de Clément d’Alexandrie 2). Nous ne nous arrêterons pas sur les premiers chapitres, où l’auteur explique que le culte chrétien se différencie à la fois de l’idolâtrie païenne et des pratiques juives. Nous présenterons par contre les chapitres V et VI, qui décrivent la situation paradoxale des chrétiens dans le monde, et nous montrerons enfin comment les derniers chapitres éclairent cette situation par le mystère du Verbe fait chair.
Le christianisme est né à une époque où les mouvements de populations étaient fort nombreux. Certaines villes étaient particulièrement cosmopolites : ainsi Alexandrie, où affluaient des commerçants de toutes parts, et qui était comme un pont entre l’Occident et l’Orient ; ainsi surtout la ville de Rome, où arrivaient de nombreux immigrants venus des différentes régions de l’empire – apportant avec eux leurs langues, leurs coutumes et leurs traditions religieuses. Ces immigrants étaient certes de conditions très différentes (certains, par exemple, étaient esclaves, tandis que d’autres avaient été affranchis). De soi, en tout cas, l’homme qui avait quitté une ville pour s’installer dans une autre ville de l’empire n’acquérait pas le droit de cité dans celle-ci : il comptait encore comme citoyen dans sa ville d’origine, et, dans sa nouvelle ville, était considéré comme « étranger domicilié » (en grec : paroikos).Il faut avoir cela en mémoire lorsqu’on lit, dans un écrit qui a été probablement composé à Alexandrie vers la fin du IIe siècle, cette fameuse formule à propos des chrétiens : « Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. » L’écrit en question est adressé à un païen nommé Diognète, qui avait posé plusieurs questions à propos des chrétiens : entre autres, demandait-il, « pourquoi ce peuple nouveau – ce nouveau mode de vie – n’est-il venu à l’existence que de nos jours et non plus tôt ? » 1. L’À Diognète nous donne la réponse d’un auteur chrétien à ces questions (un auteur dont l’identité est d’ailleurs inconnue, même si Henri-Irénée Marrou a émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de Pantène, le maître de Clément d’Alexandrie 2). Nous ne nous arrêterons pas sur les premiers chapitres, où l’auteur explique que le culte chrétien se différencie à la fois de l’idolâtrie païenne et des pratiques juives. Nous présenterons par contre les chapitres V et VI, qui décrivent la situation paradoxale des chrétiens dans le monde, et nous montrerons enfin comment les derniers chapitres éclairent cette situation par le mystère du Verbe fait chair.
« Comme des étrangers domiciliés »
Après avoir expliqué que les chrétiens se distinguent à la fois des païens et des juifs, l’auteur souligne que leur propre religion es...
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