Étienne Grieu s.j. Centre Sèvres et Pastorale en milieu populaire, Paris. A récemment publié : Dieu, tu connais ? (Le Sénevé, 2005), Chemins de croyants, passage du Christ (Lethielleux, 2007), Un lien si fort : quand l’amour de Dieu se fait diaconie (Lumen vitae/L’Atelier/Novalis, 2009). Dernier article paru dans Christus : « L’essor des Églises évangéliques : un révélateur » (n° 220, octobre 2008). 
 
La figure du pauvre, très présente dans la tradition chrétienne, appelle à des retournements. Tout simplement, d’abord, pour tourner la tête du côté où l’on n’a pas envie de voir. Ensuite, pour reconnaître, en ces lieux redoutables, des visages, ceux des frères et des soeurs qui nous manquent. Enfin, pour découvrir que rien de décisif pour une existence véritablement humaine ne peut se jouer dans l’ignorance et l’oubli de ceux qui d’habitude ne comptent pas. Leur rencontre peut alors devenir une expérience de liberté et ouvrir un espace de respiration.
 

Les pauvres sont cachés dans les plis de nos peurs

Qui accepterait spontanément de se voir désigner comme « pauvre » ? Ce simple fait montre que l’on a affaire à une réalité qui met tout le monde mal à l’aise, et donc se dérobe. Et pourtant, les statistiques sont là : elles indiquent que certains disposent d’à peine de quoi vivre et sont condamnés à exister au jour le jour, dans une extrême précarité. Des observateurs attentifs ont analysé ce qui ainsi condamne à la survie, décryptant les mécanismes qui aboutissent à ce que certaines personnes ne peuvent pas beaucoup développer leurs capacités latentes 1. La réflexion de philosophes contemporains (Axel Honneth, Charles Taylor, Emmanuel Renault, Paul Ricoeur, Guillaume Le Blanc, entre autres) élargit encore l’horizon en donnant une place centrale au jeu de la reconnaissance. « Alors que par “connaissance” d’une personne nous