Dans son invitation pressante au service de la charité, Diaconia 2013 a lancé un mot d’ordre terrible : « Sauvons la fraternité ! » C’est qu’il y a péril. Dans une démarche analogue, mais à l’échelle mondiale, la Lettre annuelle de Taizé écrite par frère Alois 1 pour l’année 2012 se présente d’une manière un peu inhabituelle comme l’ouverture d’un programme pour les trois années à venir. S’adressant aux jeunes qui participent à une rencontre organisée tout du long de l’année à Taizé, ou en de nombreux autres lieux à travers le monde entier, comme aux États-Unis au printemps dernier, au Rwanda en novembre ou à Rome en décembre, cette Lettre s’intitule : Vers une nouvelle solidarité. Serait-ce que la solidarité est passée de mode pour qu’il faille ainsi proposer de la renouveler ? Pourtant, la solidarité garde bonne presse parmi les jeunes. Et leur générosité n’est pas en berne même si l’on constate chez eux une réelle difficulté à s’engager dans un service durable. Quel est donc l’horizon de la nouvelle solidarité à rechercher ?
 
Contemporain de la Révolution française, le terme de solidarité est d’abord juridique. Il définit une responsabilité commune et suppose une dépendance mutuelle mais, en s’infléchissant au tournant des luttes ouvrières des XIXe et XXe siècles, il prend le sens d’un devoir moral pour lequel le dictionnaire propose un synonyme : la fraternité ! En somme, c’est devenu une exigence morale laïque. La solidarité fait partie des réalités qui s’imposent et motivent des décisions courageuses jusqu’au jour où certains expérimentent qu’ils aliènent leur liberté en confondant solidarité sociologique, quasi mécanique, pression du groupe qui neutralise la voix de la conscience personnelle et devoir de solidarité qui implique une responsabilité. L’exigence est devenue obligation. Des pratiques corporatistes sont dénoncées. Certains corps intermédiaires perdent de leur influence. S’insinuent alors la réaction de l’individualisme, la