«Lecture de Finkelstein et Co, La Bible dévoilée 1. (…) La surprise est grande, même pour un lecteur aussi peu attaché que moi à l’historicité des personnages et des récits. (…) Et voilà, tout cela n’a pas eu lieu, l’argumentation archéologique est imparable. (…) Rien d’historique avant le VIIe s. […] cette histoire était construite. »
Dans ce fragment intitulé « La “Saga” biblique (1) », rédigé durant le dernier été de sa vie, Paul Ricoeur ne cache pas la surprise, pour ne pas dire le désarroi, que suscite en lui « la perte d’une illusion qui a été elle-même fondatrice » 2. Non seulement il n’y aurait pas de traces d’Abraham, des patriarches, des douze tribus, de Moïse, de l’Exode, de Josué et de la conquête de la Terre promise, mais guère davantage de David ou de Salomon : rien, jusqu’à l’exil, au retour duquel se cristallise la mémoire du peuple dans le passage à l’écriture. Ricoeur ne paraît pas mettre en question les conclusions de l’ouvrage de Finkelstein et Silberman, ni envisager les limites hypothétiques d’une recherche archéologique toujours en cours, ni considérer l’angle partial en vertu duquel, par nécessité de méthode, elle saisit avec plus d’acuité l’histoire des civilisations prestigieuses que celle des peuples modestes ou des nomades itinérants : dans quelle mesure, par exemple, fait-elle droit à la mémoire orale précédant la mémoire écrite ? Mais, de ce « non-lieu » archéologique, quelques jours plus tard, dans un second fragment intitulé « La saga biblique (2) », le philosophe de Temps et récit retire toutefois un surcroît de sens. D’abord, à la différence de l’Illiade et de l’Odyssée, qui se présentent comme fiction, le récit biblique « fonctionne (…) comme histoire présumée vraie, et à ce titre fondatrice de l’histoire présente ». Il a, de ce fait, une densité historique. Ensuite, et surtout, parce qu’à la perte d’une « idole historique » que serait la recherche d’un vrai Abraham, d’un vrai Moïse ou d’un vrai David, se substitue « l’admiration pour le génie mytho-poétique d’Israël » qui se manifeste dans l’« aniconicité » 3 de sa représentation de
Dans ce fragment intitulé « La “Saga” biblique (1) », rédigé durant le dernier été de sa vie, Paul Ricoeur ne cache pas la surprise, pour ne pas dire le désarroi, que suscite en lui « la perte d’une illusion qui a été elle-même fondatrice » 2. Non seulement il n’y aurait pas de traces d’Abraham, des patriarches, des douze tribus, de Moïse, de l’Exode, de Josué et de la conquête de la Terre promise, mais guère davantage de David ou de Salomon : rien, jusqu’à l’exil, au retour duquel se cristallise la mémoire du peuple dans le passage à l’écriture. Ricoeur ne paraît pas mettre en question les conclusions de l’ouvrage de Finkelstein et Silberman, ni envisager les limites hypothétiques d’une recherche archéologique toujours en cours, ni considérer l’angle partial en vertu duquel, par nécessité de méthode, elle saisit avec plus d’acuité l’histoire des civilisations prestigieuses que celle des peuples modestes ou des nomades itinérants : dans quelle mesure, par exemple, fait-elle droit à la mémoire orale précédant la mémoire écrite ? Mais, de ce « non-lieu » archéologique, quelques jours plus tard, dans un second fragment intitulé « La saga biblique (2) », le philosophe de Temps et récit retire toutefois un surcroît de sens. D’abord, à la différence de l’Illiade et de l’Odyssée, qui se présentent comme fiction, le récit biblique « fonctionne (…) comme histoire présumée vraie, et à ce titre fondatrice de l’histoire présente ». Il a, de ce fait, une densité historique. Ensuite, et surtout, parce qu’à la perte d’une « idole historique » que serait la recherche d’un vrai Abraham, d’un vrai Moïse ou d’un vrai David, se substitue « l’admiration pour le génie mytho-poétique d’Israël » qui se manifeste dans l’« aniconicité » 3 de sa représentation de