Ces pages sont un libre commentaire des Notes intimes de Marie Noël, lues remarquablement par Jeanne-Marie Baude (Cerf, coll. de l’Abeille, 2012, 165 p., 15 e).
 
Les Notes intimes (1962) de Marie Noël (1883-1967) sont un ouvrage singulier, puisque ce n’est, semble-t-il, qu’une sélection de réflexions et de méditations dont Marie Noël aura autorisé, non sans réticence, la publication : elle y mettait son âme à nu, mais n’était-ce pas, comme le lui recommandait l’abbé Mugnier, son mentor spirituel, pour le bien et le réconfort des « âmes troublées » de notre temps ? L’on n’a donc pas affaire à un journal proprement dit, mais à d’amples bouquets de pensées cueillies et rassemblées selon l’amplitude d’un rythme décennal, sans que le passage d’une période à une autre soit justifié par quelque événement survenu ou seuil franchi. Sans doute des thématiques finissent-elles par affleurer au fil des pages, puis se confirmer, s’imposer même avec insistance. Prendre le parti de les condenser, comme le fait Jeanne-Marie Baude, conduit à systématiser l’univers de Marie Noël, ce qui est d’autant plus difficile que n’y manquent ni paradoxes ni contradictions.
 

Une œuvre de pensée

Assurément, les Notes intimes sont avant tout une œuvre de pensée, mais penser, pour Marie Noël (elle le dira dans Petit Jour, recueil de ses souvenirs d’enfance) lui sert avant tout à panser les blessures de son âme. En effet, éduquée à l’exercice de l’intellect par son père, Louis Rouget, apôtre fervent d’une rationalité exigeante, capable cependant de reconnaître l’énigme de l’existence sans pour autant en confesser le mystère dont il pressent malgré tout la présence, Marie Noël sera tôt initiée à l’acte de penser. Lequel, pour souverain qu’il soit, se voit inefficient devant cette part du réel qui résonne dans la musique des Schumann, Schubert et autres Mozart, dont se délecte la