Au cœur du religieux, on voit désormais se constituer des communautés où se regroupent des volontaires qui se mettent délibérément sous l'autorité d'une personnalité réputée charismatique : est-ce la naissance d'un processus sectaire ? Il n'en est rien, dans la mesure où une secte engendre une aliénation, parfois irrécupérable ; ici, au contraire, ces communautés de salut se fondent sur une adhésion décidée de ceux qui paraissent y retrouver le chemin d'une affirmation, d'une réappropriation de leur subjectivité. Ainsi s'engage l'aventure de la « conversion », comme quête spirituelle, alors même que n'existe nul contact ni attache avec les institutions religieuses, vis-à-vis desquelles la méfiance reste de mise ; en retour, celles-ci se montrent peu disposées à valider ces recherches considérées comme « mystiques », peu soucieuses d'un héritage à recevoir. Un désir de certitude qui va avec un effondrement des certitudes jusque-là acquises. Bricolage donc, que voudra stabiliser et garantir le retour de l'archaïque, ce qui n'asséchera pas la cohorte des illusions et des désillusions.
Originellement, la conversion est une révolution semblable à celle des astres parcourant immuablement le firmament : elle n'entend pas atteindre un objectif inédit, nouveau, mais c'est le parcours effectué qui affecte profondément celui qui l'aura accompli. On revient certes à la même place, mais on n'est plus le même : des énergies intérieures, jusque-là en jachère, ont travaillé à un renouveau intégral de soi, une transformation (par Dieu ou par du divin) : la métanoïa. Mais on ne peut oublier que la conversion n'est pas moins un retour, en grec épistrophè, à un mode de vie qu'on avait largement délaissé ou abandonné : ce qui laisserait croire à un choix personnel déterminé, une participation active, alors que la métanoïa supposerait comme une passivité du sujet. Loin de la vision d'un temps irréversible, la conversion prétend remonter à l'origine