En 1947, le passage en France pour quelques mois d'un jésuite chilien n'est pas sans laisser de traces. Lors des 34e Semaines Sociales de France, à Paris, puis à Versailles, à l'occasion d'une rencontre internationale de jésuites sur l'apostolat dans le monde, cet homme de 46 ans, qui n'a plus que cinq ans à vivre, frappe ses interlocuteurs par la force de sa parole et par son affabilité. Ses interventions sur la situation de son pays, en particulier sur le monde ouvrier, sont ressenties comme « un grand cri d'angoisse et en même temps une leçon de zèle apostolique ». De nombreux témoins soulignent chez lui l'étonnante association d'un amour douloureux pour son peuple et d'une sympathie rayonnante et joyeuse. Le P. Villain, supérieur de l'« Action populaire », éprouve le sentiment qu'« il aurait pu être le prochain Père Général ». Quant au P. d'Ouince, le directeur des Études, il trouve en lui « une franchise et une audace rares pour aborder les problèmes, unies à un sens de l'Église peu commun », « la capacité d'aller au fond des questions sans se perdre en chemin », un élan irrépressible...
Soixante ans plus tard, le P. Alberto Hurtado Cruchaga continue de marquer les esprits. Entre-temps, il est devenu l'une des figures les plus populaires du Chili. Il n'est pas rare de trouver sa photo à Santiago accrochée dans des taxis ou de petites échoppes. Décédé en 1952, il a été béatifié par Jean Paul II en 1994, et sa canonisation est prévue le 23 octobre 2005. Les œuvres qu'il a créées en faveur des pauvres, ses écrits sur la doctrine sociale ou sur la spiritualité de l'action, ses interventions à la radio, l'accompagnement de nombreux jeunes ont fait de lui une figure qui parle aux cœurs et aux esprits : il a éveillé les consciences et s'est fait l'apôtre de la justice sociale. Pour un de ses biographes, Hurtado est un mélange de Jean Bosco, de Joseph Cardjin et de l'abbé Pierre. Avec le premier, il partageait la même origine humble et l'amour des enfants pauvres ; avec le fondateur