Alain Thomasset s.j. Centre Sèvres, Paris. A publié : Paul Ricoeur : une poétique de la morale (Peeters, 1996) et Interpréter et agir : jalons pour une éthique chrétienne (Cerf, 2011). Dernier article publié dans Christus : « De la juste distance au passé » (n° 219, juillet 2008).
 
Dans la tradition chrétienne et l’enseignement social de l’Église, le rapport à la pauvreté et le souci des pauvres présentent plusieurs dimensions. Si l’esprit de pauvreté est une vertu reconnue et une attitude souhaitable, à la suite de la Béatitude qui fait des pauvres en esprit les détenteurs du Royaume (cf. Mt 5,3), la pauvreté reste un mal qu’il s’agit de combattre par l’exercice de la charité et l’exigence de justice qui l’accompagne. Le comportement des chrétiens est donc doublement orienté par la réalité de la pauvreté et la présence des pauvres. À la fois maîtres en humanité et premiers bénéficiaires de l’Évangile, les pauvres, auxquels Jésus s’est identifié (cf. Lc 2,7 ; Mt 25), offrent à tous un exemple de ceux qui comptent sur Dieu. Dans le même temps, leur détresse nous invite à leur porter secours et à promouvoir avec eux leur dignité et leurs droits, à la suite du Christ venu pour libérer les hommes de leurs esclavages.
 

La vertu et l’esprit de pauvreté à la suite du Christ

Pour comprendre la pauvreté évangélique, il faut reprendre, même sommairement, l’enseignement de la Bible. Si la pauvreté est d’abord un drame social et un aspect du mystère du mal, l’expérience religieuse du peuple d’Israël, notamment au temps de l’Exode et de l’Exil, l’amène à mettre sa confiance en Dieu seul qui vient le sauver au coeur de ses détresses. C’est à ce peuple de pauvres en attente de la libération (cf. Lc 1,46-55) que Jésus le Messie vient annoncer la bonne nouvelle du salut (cf. Lc 4), peuple qui l’accueille avec joie. La pauvreté acquiert ainsi une signification positive et radicale parce que le pauvre est celui qui attend tout de Dieu, dans une attitude de confiance qui le rend disponible pour le Royaume. Par ailleurs, Jésus