Je n'invente rien. « Les mères veilleuses » est le nom d'un café du Nord-Est parisien près du parc des Buttes-Chaumont, l'équivalent au féminin des « Pères populaires » dans le même quartier. Le genre de café où l'on se sent immédiatement chez soi, accueilli. L'accueil, décliné au féminin et au masculin, semble passer spontanément par les figures de mère et de père, de mères veilleuses (dans la sphère de l'intime et du social) et de pères populaires (dans la sphère publique).
De nombreux hommes croient que « les femmes sont merveilleuses ». Faut-il alors entendre « mère veilleuse » comme une édification de la mère en déesse de la fécondité et de l'attention aux autres ? Cette élévation des mères sur un piédestal apparaît doublement suspecte. Elle s'est souvent traduite au cours de l'Histoire par une mise à l'écart des femmes de toutes les sphères publiques où s'exerçait le pouvoir. Elle a opéré un clivage désastreux entre deux figures du féminin : la mère et la putain, l'idéalisation de l'une comme figure pure et intouchable, étant l'envers du rabaissement de l'autre nécessaire à l'assouvissement des besoins sexuels. Ce clivage n'est-il pas l'expression d'une difficulté à assumer l'ambivalence de la figure du féminin ? L'idéalisation de la mère serait alors une manière de se protéger de l'avidité amoureuse des femmes et de réduire la fécondité de leur destinée à la seule maternité.
Selon la célèbre formule de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient », que faut-il donc pour qu'une petite fille devienne une femme ? Des épreuves qui vont marquer son parcours selon la manière dont elle les franchira ou pas, une manière singulière d'apprivoiser son désir et ses limites,