D’après une étude menée chaque année depuis vingt-sept ans par l’association Familles de France, un enfant entrant en classe de sixième cette année coûtera à sa famille, simplement en frais de fournitures scolaires (cahiers, crayons, cartable, stylos, assurances, inscriptions indispensables, etc.) 187,32 euros.
J’admire la précision de ce chiffre qui ne préjuge en rien de ce que le petit Théophile coûtera réellement à la famille Poinssot. Cette moyenne de 187,32 euros est en hausse de 6,8% par rapport à l’an passé, alors qu’elle avait fortement baissé en 2008 et 2009 à cause des subventions publiques avant de légèrement remonter de 0,63% l’année dernière.
Le prix du papier, les orientations économiques gouvernementales, la stratégie des grands magasins, tout cela est le terrain des économistes. Le domaine économique est important, mais le domaine spirituel essentiel.
Comme le remarque un commentaire sur le blog du Figaro rapportant la nouvelle le 17 août : « Il suffirait de ne pas acheter le téléphone portable dernier cri aux gamins pour leur payer la rentrée scolaire. » Problème de discernement, donc ; mais qui ne peut pas être résolu par un simple « il suffirait ». Car l’économie rationnelle oublie les dimensions culturelles, 
symboliques, en un mot spirituelles, de toute dépense. Nous savons tous que le prix d’un porte-avion permettrait de payer de quoi éradiquer la famine en Afrique, que nous possédons la technologie capable de répondre aux besoins des 9 milliards d’êtres humains en 2050, etc. Et pourtant…la distance est grande entre le « il suffirait » et le possible, compte tenu de ce qu’est l’être humain et la société.

Ici, le discernement se pose au niveau des parents dans le dialogue avec leurs enfants d’âge scolaire. Tout commence par une question. (Les évidences interdisent le discernement.) La question ici est de la forme : à quoi et à qui va manquer l’argent dépensé pour le téléphone portable, pour les baskets de marque, pour le blouson à la mode, pour le petit « plus » que l’enfant pourra exhiber dans la cour de récréation ? C’est face au coût supporté par l’enfant, ou par un autre membre de sa famille (famille que l’on peut élargir à la dimension que l’on veut, jusqu’aux enfants du Soudan) que les parents verront si les avantages en terme d’utilité, de confort ou de gratification symbolique accordé à l’enfant « valent ». Car la valeur –non pas fantasmée mais réelle- dans le domaine spirituel comme dans le domaine économique, c’est ce qui donne sens à un coût. (La troisième semaine des Exercices spirituels de Loyola se cache ici.) La valeur du cahier comme du téléphone portable, c’est l’équivalent (le valant égal) du coût. Encore faut-il n’oublier aucun de ceux qui en paieront le prix et à qui un tel bien  pourrait manquer.

Etienne Perrot, sj