Cerf, coll. « L’Histoire à vif », 2009, 318 p., 25 euros.
Voilà un livre d’un ton nouveau aux confins de la morale et de la théologie : une théologie qui ne cherche pas à rejoindre le réel vécu dans la déréliction des pauvres et des souffrants, comme si la foi en Jésus Christ existait avant de s’incarner, mais une théologie qui naît des exigences de la justice. La justice est une exigence morale, celle du vivre ensemble, de l’ajustement des libertés confrontées aux défis du monde présent, mais elle est aussi le mode divin d’être au monde. La parabole de l’enfant prodigue et celle des ouvriers de la onzième heure donnent à l’auteur l’occasion de montrer en quoi la justice divine excède la justice humaine ; il laisse entrevoir ainsi combien le pardon n’a rien d’une condescendance. La justice vécue procède d’une nécessité intérieure qui fait de la dignité du prochain une nécessité pour soi-même.
Alain Durand sait parfaitement distinguer ces deux justices, sociale et divine, pour les articuler dans une théologie qui se veut « émancipatoire ». Il ne prend pas la souffrance comme prétexte, ainsi que le montre son exégèse nuancée de la Règle d’or selon l’Évangile : « Fais à autrui ce que tu désirerais qu’il fasse pour toi en de semblables circonstances. » Chemin faisant, l’auteur assigne leurs véritables places aux philosophies morales contemporaines – celles de Ricoeur, Valadier, Walzer, Rawls – qui veulent articuler les éthiques personnelles avec l’éthique collective.
Alain Durand nous livre ici une pensée personnelle à la fois moderne et très impliquée.