Lorsqu'à quelques encablures d'Orléans s'étire la Loire sablonneuse, la basilique de Saint-Benoît dresse sa flèche un peu massive. A sa manière, la flèche romane témoigne d'emblée de la beauté de la vie religieuse comme affirmation radicale, appel qui s'impose à travers le temps et l'espace, défiant le fleuve et la plaine. « La beauté, Dieu l'a partagée... », psalmodie un poète berbère. A sa manière, la vie religieuse en a sa part qui donne chair à l'intuition chrétienne.
Plus encore que de pierres, cette forme de beauté me parle d'abord de visages. Dans mon parcours de laïc engagé, des aumôneries de lycée au Service national des Vocations, dans mon travail d'éditeur religieux depuis près de vingt ans, nombre de figures de religieux et de religieuses m'ont marqué. A leur manière, tous ces visages, ces sourires, ces regards sont autant de contrepoints aux caricatures qu'on donne généralement de cet état de vie. Visage de cette franciscaine missionnaire de Marie en grand costume blanc qui, dans une France qui se remet vaille que vaille de la guerre d'Algérie, emmène une poignée de marmots parisiens, dont je suis, prier à la chapelle et les invite à se prosterner comme les fidèles d'Allah... Sourires de ces religieuses âgées rencontrées au cours d'un livre enquête et qui ont traversé le siècle, des grands couvents aux cités HLM, du cadre rigide des années 50 aux turbulences de l'après-Concile, des rives de la chrétienté au monde sécularisé d'aujourd'hui... Regards aussi de ces moines bénédictins qui en quelques mots invitent à la paix et au silence, tout en s'affrontant à la rugosité des psaumes. « Trace d'un visage », aurait dit le P. Bruno Chenu, traces de visages qui témoignent de la gratuité dans un monde où celle-ci n'a pas toute sa place.
Mais quand on parle de beauté, comment se débarrasser d'une vision par trop romantique ou idéalisée ? Même si nous n'en sommes plus à réécrire la Vie de Rancé, les images utopiques ou enjolivées ont la vie dure. Alors, certains s'étonnent de constater que vie religieuse ne signifie pas pour autant perfection. Qui observe en effet de près le monde religieux, même avec un a priori bienveillant, découvre qu'il est traversé lui aussi par des conflits parfois très durs. Conflits ouverts ou plus larvés, luttes de pouvoir ou d'idéologie, accrocs à la vie fraternelle... Simple preuve de l'humaine nature, pourrait-on rétorquer. Certes. Reste que les tiraillements du monde religieux illustrent cette particularité que je dirais volontiers « catholique » de masquer les oppositions internes ou de les cacher sous des considérations affectives. Et puis, ce cadre de vie ne pousse-t-il pas parfois à ignorer les réalités du monde, à travers une sorte de naïveté fausse ou inconsciente ? On se surprend parfois à regretter un Pascal ou un Mauriac, prompts à rappeler aux chrétiens la verdeur du sens évangélique.
Alors, pour trouver la beauté, il faut peut-être décaper, faire co...
Plus encore que de pierres, cette forme de beauté me parle d'abord de visages. Dans mon parcours de laïc engagé, des aumôneries de lycée au Service national des Vocations, dans mon travail d'éditeur religieux depuis près de vingt ans, nombre de figures de religieux et de religieuses m'ont marqué. A leur manière, tous ces visages, ces sourires, ces regards sont autant de contrepoints aux caricatures qu'on donne généralement de cet état de vie. Visage de cette franciscaine missionnaire de Marie en grand costume blanc qui, dans une France qui se remet vaille que vaille de la guerre d'Algérie, emmène une poignée de marmots parisiens, dont je suis, prier à la chapelle et les invite à se prosterner comme les fidèles d'Allah... Sourires de ces religieuses âgées rencontrées au cours d'un livre enquête et qui ont traversé le siècle, des grands couvents aux cités HLM, du cadre rigide des années 50 aux turbulences de l'après-Concile, des rives de la chrétienté au monde sécularisé d'aujourd'hui... Regards aussi de ces moines bénédictins qui en quelques mots invitent à la paix et au silence, tout en s'affrontant à la rugosité des psaumes. « Trace d'un visage », aurait dit le P. Bruno Chenu, traces de visages qui témoignent de la gratuité dans un monde où celle-ci n'a pas toute sa place.
Mais quand on parle de beauté, comment se débarrasser d'une vision par trop romantique ou idéalisée ? Même si nous n'en sommes plus à réécrire la Vie de Rancé, les images utopiques ou enjolivées ont la vie dure. Alors, certains s'étonnent de constater que vie religieuse ne signifie pas pour autant perfection. Qui observe en effet de près le monde religieux, même avec un a priori bienveillant, découvre qu'il est traversé lui aussi par des conflits parfois très durs. Conflits ouverts ou plus larvés, luttes de pouvoir ou d'idéologie, accrocs à la vie fraternelle... Simple preuve de l'humaine nature, pourrait-on rétorquer. Certes. Reste que les tiraillements du monde religieux illustrent cette particularité que je dirais volontiers « catholique » de masquer les oppositions internes ou de les cacher sous des considérations affectives. Et puis, ce cadre de vie ne pousse-t-il pas parfois à ignorer les réalités du monde, à travers une sorte de naïveté fausse ou inconsciente ? On se surprend parfois à regretter un Pascal ou un Mauriac, prompts à rappeler aux chrétiens la verdeur du sens évangélique.
Alors, pour trouver la beauté, il faut peut-être décaper, faire co...
La lecture de cet article est réservée aux abonnés.