À ceux qui continuent d'avoir une image sombre de saint Augustin, considéré exclusivement comme l'inventeur du péché originel, de la prédestination et d'une vision pessimiste de l'homme, Emmanuel-Marie Le Fébure du Bus apporte ici un démenti efficace dans cette présentation renouvelée de la spiritualité augustinienne. Si on le désigne habituellement comme le « Docteur de la grâce » et sans contredire cette belle expression, l'auteur insiste quant à lui sur l'appréciation positive du désir humain présente chez l'évêque d'Hippone, qui est désir de Dieu, aspiration à une unité perdue au moment de la chute. Retrouver cette unité, cette adéquation avec l'amour divin quand l'homme est déconnecté de celui-ci, blessé par le péché, habité par ces « convoitises » qui échappent aussi à sa volonté, tel est le chemin proposé par la démarche augustinienne.

Deux parties composent cet ouvrage très fluide : une brève biographie d'Augustin d'abord, puis « sept portes » pour entrer dans sa spiritualité, chaque chapitre se concluant par une piste de méditation avec des citations. L'auteur rappelle en particulier combien la conversion du saint est d'abord une rencontre de miséricorde qui le transforme. Plus longue et nourrie, la seconde partie évoque d'abord la quête de bonheur présente chez Augustin, puis souligne la dimension d'optimisme lucide de celui-ci envers l'homme régénéré, même s'il connaît les vices de ce dernier. L'auteur des Confessions, à la différence des Pères du désert, n'insiste guère sur les mortifications corporelles. Pour lui, le désir de Dieu s'épanouit pleinement dans la prière et l'élan du cœur. Le Christ est à la fois exemple et sacramentum, c'est-à-dire à la fois signe et cause de salut, il ne peut être séparé du sens de l'Église. Marqué par la spiritualité canoniale, le père Le Fébure du Bus développe également la dimension trinitaire d'une vie communautaire où peut se déployer l'amitié fraternelle. Enfin, même à une époque troublée par la décadence de l'Empire romain, où les mutations sont aussi fortes que celles que nous connaissons, il nous redit qu'Augustin n'invite pas à se lamenter, mais à agir en liberté, encore une fois sans pessimisme : « Les temps sont mauvais, les temps sont difficiles, répète-t-on partout. Vivons bien et les temps seront bons. C'est nous qui faisons le temps. Il est tel que nous sommes. » Le conseil n'a rien perdu de sa force.