Intéressé par la culture et l'art japonais puis captivé, je viens de faire deux séjours de près de deux mois dans ce vieux pays ; et, bien sûr, j'ai beaucoup lu ici et regardé là-bas. Modeste expérience et savoir limité ! Je ne livre ici, avec hésitation, que les perceptions de quelqu'un qui a travaillé pendant quarante ans la spiritualité chrétienne et qui a quelque peine à s'immerger dans le bouddhisme, en particulier dans le zen japonais dont il est ici question. Après quelques données élémentaires sur le bouddhisme, je parlerai d'abord de l'Éveil, de l'illumination, qui est le sommet de l'expérience spirituelle selon le zen (Satori en japonais) ; puis des chemins qui y mènent. Prendre ces chemins est chose qui dépend de l'homme. Atteindre, obtenir le but désiré est hors de nos prises ; nous dirions, nous chrétiens, que cela est de l'ordre de la grâce.

La voie du Bouddha


De quoi s'agit-il ? Disons un mot d'abord de celui qu'on appelle le Bouddha. Le Bouddha historique, Sâkyamuna (VIe siècle avant le Christ), est la manifestation en un corps humain de l'essence de la bouddhéité. Bouddha peut se traduire par l'Éveille, l'Illuminé. Il n'a pas fait œuvre de philosophe ni de théologien. Il a voulu faire œuvre de médecin et ouvrir aux hommes une voie qui leur permette d'échapper aux maux de l'existence humaine pour parvenir à la délivrance du cycle de la souffrance, de la vieillesse et de la mort, pour se délivrer de tout ce qui est partiel, passager, illusoire, donc de tout ce qui appartient à notre monde terrestre et humain. Au terme de cette voie, l'homme atteint au Nirvana : dépassement de toutes nos limitations et accès au-delà de tout le terrestre, de l'humain et de soi-même, à la saisie intuitive du Tout, d'un vide plein. Cet état, au moins pour certains bouddhistes, est béatitude, quelque chose d'immortel, parce que parfait, et qui échappe ainsi au cycle des réincarnations.
La voie du Bouddha est ouverte à chacun parce qu'au fond de son être chacun participe à la nature du Bouddha. L'Éveil est au fond la réalisation pleine de ce que chacun a toujours été au fond de son être. Ainsi, choisir de suivre la voie du Bouddha est le seul moyen grâce auquel on peut espérer réaliser la vérité de sa propre nature.
Le dépassement nécessaire de soi, de ce que nous appelons personne, est le passage obligé pour atteindre au vide plein. Telle est la voie où s'engage le bouddhiste zen conséquent, le chercheur de l'Ultime. C'est une voie essentiellement pratique, pour laquelle l'étude et la doctrine ne servent à rien, sinon à encombrer. Voie d'ascèse austère et dure : regard, volonté propre, langage, actions, moyens et modes d'existence, tout cela doit être purifié pour domestiquer le corps, tarir les illusions de l'esprit et les passions du cœur, pour se libérer de tout désir et eue prêt à la révélation — généralement passagère, mais réitérable — de l'intuition nue de l'être : un vide plein.
C'est c...
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