Prenez, Seigneur, et recevez,
Toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté ;
Tout ce que j'ai et possède ;
Vous me l'avez donné ; à vous, Seigneur, je le rends.
Tout est vôtre, disposez-en selon votre entière volonté.
Donnez-moi de vous aimer,
Donnez-moi votre grâce, celle-ci me suffit1.

Comment conjuguer cette prière, emblème de la radicale remise de soi dans les mains d'un Autre, avec la personnalité laborieuse et résolue de son auteur, Ignace de Loyola ? Comment articuler la disposition intérieure d'offrande de soi, visée par ces mots, au fait qu'ils sont suggérés au retraitant qui s'apprête à terminer sa retraite et à regagner le monde pour donner chair à l'élection faite ? Ces interrogations renvoient à l'ancienne, et jamais achevée, question concernant la place de la passivité et de l'activité dans la vie spirituelle, question qui fait écho aussi à celle concernant la manière d'intégrer la volonté de Dieu dans la sienne. Tôt ou tard, tout croyant se trouve confronté à ces questions, souvent lorsque la volonté de Dieu semble ne pas correspondre à la sienne propre. Alors l'invocation « que ta volonté soit faite » acquiert tout son poids. Il n'est plus possible de la prononcer le cœur léger. Des hésitations affleurent : est-ce possible que la volonté de Dieu soit aussi divergente de la mienne ? Est-ce que je me trompe dans l'interprétation de celle qui s'érige devant moi comme volonté de Dieu ? Dois-je rester fidèle à tout prix à mes projets initiaux, ou bien dois-je me rendre à cette volonté autre ?

S'il est vrai que personne ne peut répondre à notre place, nous épargnant le travail auquel chaque situation nous