Il convient de préciser qu’au coeur des Exercices de saint Ignace, « l’élection » ne peut en aucun cas porter sur la remise en cause de décisions considérées par l’Église comme irrévocables, comme le sacerdoce et le mariage1. En revanche, le discernement, lui, peut porter sur des situations plus confuses, celle de l’homme pécheur qui, par-delà une rupture d’alliance, désire se rapprocher de Dieu. Il ne s’agit certes pas, dans ce cas, de découvrir la « vocation divine, toujours pure et nette, sans mélange d’éléments charnels et d’attachement faussés »2. En revanche, il est pleinement légitime de partir d’une situation de fait, conséquence d’une trajectoire désordonnée ou d’une rupture, pour parcourir un chemin de conversion, dans le but d’aimer davantage le Christ et le prochain et, pour cela, de vivre en union plus intime avec son Église. Le discernement part de la situation où en est une personne, et non de la situation idéale où elle aurait dû se trouver. Il s’agit d’appliquer l’aphorisme attribué à saint François de Sales : « Pars du point où tu en es, sinon tu n’arriveras nulle part. » C’est sur le fondement de cette distinction entre « élection » et « discernement » que le pape François peut, sans ambiguïté, proposer un accompagnement à la lumière de l’Esprit saint aux personnes qui ne seraient pas en position de faire une élection fondamentale3 qui, dans les Exercices, correspond à l’aboutissement de la démarche spécifique de la retraite de trente jours. Dans cette perspective, Søren Kierkegaard faisait de ce respect de la personne une condition sine qua non du soutien spirituel au prochain : « Si je veux réussir à accompagner un être vers un but précis, je dois le chercher là où il est, et commencer là, justement là. »
1. cf. Ignace de Loyola, Exercices spirituels, « Avis pour prendre connaissance des matières sur lesquelles on doit faire élection », premier et deuxième points, DDB, « Christus – textes », 1963, p. 96.
2. Ibid., troisième point, p. 97.
3. C’est en raison d’une grave mécompréhension de cette distinction que les auteurs de l’ambigu Vade-mecum pour une nouvelle pastorale familiale (Artège, 2017) développent des positions idéologiques qui paraissent pour le moins très éloignées du pape François, voire sournoisement opposées à ses analyses et préconisations.