Dans Amoris lætitia, la voie dessinée par le pape pour les personnes en situation conjugale complexe se définit autour des expériences d’accompagnement et de discernement. De telles expériences sont dans la continuité de la tradition chrétienne du discernement, rénovée par Ignace de Loyola. Cet article présente l’éclairage des Exercices spirituels pour aider à l’accompagnement des baptisés appelés à une intégration renouvelée dans l’Église.
L'exhortation apostolique postsynodale donnée à l’Église par le pape François reflète, en son chapitre huit, un regard bienveillant et compréhensif, encore que sans complaisance, sur les personnes dont le chemin conjugal est lent, sinueux, pour certains ponctué par des accidents ou dans l’impasse. Les figures de ces errances sont diverses (relations préconjugales plus ou moins tourmentées des plus jeunes, formes non sacramentelles du lien, diverses sortes d’union des couples divorcé – union libre, union civile, etc.).
Le primat de la miséricorde
Le Saint Père, comme y aspiraient beaucoup de pasteurs et de baptisés laïcs, ouvre, dans Amoris lætitia, des chemins nouveaux pour une plus juste intégration dans l’Église des personnes dont l’histoire conjugale ne correspond pas immédiatement, ou plus, au parcours classique que la plus grande partie du document encourage. En effet, Amoris lætitia a pour finalité première de réaffirmer, dans une perspective pastorale, la doctrine catholique du sacrement de mariage en suggérant l’amélioration des moyens de formation avant et après la conclusion de l’union. Mais le pape François a une conscience profonde des difficultés que rencontrent de nombreux baptisés pour atteindre la plénitude de la vérité de la relation des conjoints. Pour ceux-là, il souhaite ardemment que les pasteurs s’investissent aussi auprès des brebis qui n’ont pas encore rejoint la bergerie ou s’en sont éloignées. C’est ici l’originalité et la fécondité de ce texte : la prise en compte des situations complexes dans lesquelles se trouve une proportion non négligeable des couples catholiques. « Toutes ces situations doivent être affrontées de manière constructive en les transformant en occasion de cheminement vers la plénitude du mariage et de la famille à la lumière de l’Évangile, il s’agit de les accueillir et de les accompagner avec patience et délicatesse » 1, dit-il. Il affirme par ailleurs qu’« il faut éviter les jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition » 2.
Le pape François souligne donc avec force que, dans l’esprit miséricordieux du Christ, il importe avec prudence, mais détermination, d’ouvrir à nouveau des dynamismes de vie spirituelle pour ceux qui errent dans leurs relations de couple pour qu’ils aient la place qui doit être la leur dans une Église qui se sait composée de pécheurs. Une ecclésiologie qui laisserait supposer une autre composition, qui rêverait d’une Église de purs, relèverait du pharisaïsme, du légalisme ou d’un exclusivisme sectaire, fort éloignés de l’Évangile. « La route de l’Église est celle de ne condamner personne