« – Aussi, prie-le donc [Dieu] aussi brièvement et parfaitement que tu le pourras.
– Dieu, toujours le même, fasse que je me connaisse et que je te connaisse ! Voilà ma prière » 1.
 
Peu après sa conversion, retiré avec quelques intimes pour prier et méditer, Augustin livrait ainsi l’essentiel de sa quête spirituelle. Cet appel de la prière aimante à la connaissance indissociable de soi et de Dieu fut diversement repris par de grandes figures spirituelles, notamment saint Bernard et sainte Thérèse d’Avila, pour accompa­gner l’élan de l’aventure spirituelle et pour en donner un des critères de vérification. Au cours de l’histoire, les trois lieux où se noue pour Augustin la connaissance de soi, des autres et de Dieu – le monde, l’âme et la relation d’amour – ont été diversement explorés.
Comment ce désir et cette ambition de la prière d’Augustin peu­vent-ils se traduire aujourd’hui pour tous ceux qui ne dissocient pas la passion de connaître et la volonté d’aimer ? Plus particulièrement, comment les neurosciences, qui sont actuellement investies des plus grandes ambitions et promesses, peuvent-elles questionner, provoquer, voire aider la vie spirituelle ?
Il faut sans doute beaucoup de naïveté pour tenter de répondre à une telle question en n’exerçant pas cette discipline. Aussi, je me contenterai de reprendre la dynamique de la prière évangélique qui consiste à voir les lieux, entendre les discours et considérer les actions pour en dégager quelques attitudes spirituelles.
 

Ambitions et réalisations des neurosciences

 
Après avoir changé les représentations de la place de l’homme dans le cosmos et dans le monde des vivants, les sciences explorent plus spécifiquement la dimension intérieure de l’homme. Nées au milieu du XXe siècle, les sciences cognitives reprennent l’ancienne idée de l’assimilation de la pensée à un calcul et mobilisent des disciplines aussi variées que la linguistique, l’informatique, la psy­chologie