« Apprends-nous la vraie mesure de nos jours. » Le psaume 89 exprime d’une façon très existentielle l’inquiétude de l’homme parvenu à l’automne de sa vie. Voici qu’il prend vive conscience de la fuite du temps, comparée à l’éternité de Dieu : « De toujours à toujours, toi, tu es Dieu… Mais à tes yeux mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit. » Et nous, devant ta face, nous sommes comme l’herbe des champs : « Elle fleurit le matin, elle change, le soir elle est fanée, desséchée. » Telle est notre condition : « Nos années s’évanouissent dans un souffle… elles s’enfuient, nous nous envolons. » Mais cette douloureuse prise de conscience suscite la confiance chez le psalmiste : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours, que nos cœurs pénètrent la sagesse. Si tu nous rassasies de ton amour au matin, alors nous passerons nos jours dans la joie et les chants. »
Après les temps de la croissance et de la fécondité, se pose un jour de façon plus cruciale la question du sens : que reste-t-il de nos vies quand nous nous envolons ? On était parti, plein d’audace et d’ambition, explorer les mers jusqu’au bout du monde, avec le désir de ce développement dont la modernité a fait une ardente obligation, et que le pape Paul VI lui-même exaltait en affirmant que « la croissance humaine constitue comme le résumé de nos devoirs » (Populorum Progressio, 16). Et l’on rêvait comme Ulysse de revenir un jour à la maison pour y jouir d’un doux repos…
Et puis est retourné plein d’usage et raison
Vivre entre ses parents le reste de son âge.