Dans un remarquable essai, François Odinet, jeune prêtre du diocèse du Havre et doctorant au Centre Sèvres, cherche comment les personnes très pauvres écoutent la parole de Dieu et comment elle leur parle. L'auteur part de l'observation que, souvent, les personnes très pauvres qui vivent de la parole de Dieu s'identifient avec les personnages du récit biblique et se trouvent ainsi contemporaines des Écritures. Comment cela opère-t-il ? Qu'entendent les personnes ? Et comment entendent-elles la parole de Dieu ? Leurs expériences de vie colorent-elles leur manière d'écouter la Parole ? Et, encore, la manière dont ces personnes très pauvres entendent la parole de Dieu révèle-t-elle quelque chose sur la Parole elle-même ? Y aurait-il dans leur écoute un don à recevoir pour toute l'Église ?

Pour honorer ces questions, l'auteur, en prenant appui sur le processus de la lectio divina explicité par Guigues II le Chartreux, lit et analyse avec une extrême finesse des partages de la parole de Dieu. Ces partages sont des échanges à partir de textes des Écritures, vécus dans des groupes de la famille Bartimée, une fraternité paroissiale réunissant des personnes marquées par la grande pauvreté et des compagnons qui font alliance avec eux. L'ouvrage progresse au gré des quatre étapes de la lectio divina : la lecture en groupe qui se révèle être un lieu où la Parole est adressée et rencontre à l'intime l'existence des personnes très pauvres, la méditation en tant qu'espace où la promesse est entendue, la prière comme ce qui fait résonner la Promesse au cœur des existences de ces hommes et de ces femmes éprouvés par la grande pauvreté, la contemplation où s'expérimente l'accomplissement de la promesse énoncée par la parole de Dieu.

Au fil de l'ouvrage, le père Odinet met au jour que les personnes très pauvres « prennent au sérieux la parole de Dieu » (p. 187) et lui accordent une telle crédibilité qu'elles y décèlent la promesse de Dieu qui, certes, s'accomplira au terme de l'Histoire, mais qui, déjà, s'accomplit dès maintenant dans leurs existences. Appuyés sur la fidélité de Dieu qui leur parle, unis à Jésus dans sa traversée pascale par leur prière, ces êtres humains font l'expérience d'être « vivants grâce à Dieu », quand bien même ils sont encore à l'ombre de la Croix. L'auteur peut dès lors conclure que les personnes marquées par la grande pauvreté attestent à même leurs vies la vérité de la fidélité de Dieu qui est Vie. C'est immense, et d'un enjeu considérable.

L'ouvrage, d'une écriture très accessible, est à la fois rigoureux et empreint de sensibilité. Une très belle lecture de théologie spirituelle, stimulante et d'une grande profondeur.