« Tu seras jugé [examiné] sur l'amour » : cet extrait d'une maxime de saint Jean de la Croix est souvent cité pour évoquer ce que les théologiens appellent le « jugement particulier », la rencontre transformante du Christ à la fin de notre vie. Mais quels repères avons-nous ici-bas pour en parler ? À quoi le comparer ?

Le P. Gustave Martelet, avec bonheur, nous a invités à imaginer ce moment, où chacun perd toute maîtrise sur ce monde, comme notre propre « chemin de Damas » : « Renversé par l'éblouissement que lui valut l'apparition de Jésus Christ ressuscité, saisi par une splendeur qu'il ne connaissait pas, conquis par la singularité de Jésus qu'il appelle aussitôt son Seigneur, Paul a fait, dès la terre, l'expérience qui nous ouvre le “ciel”, c'est-à-dire la vie avec Dieu dans le Christ et l'Esprit.1 »

« Tu seras jugé sur l'amour. » Jugé par qui ? Découvrant le Christ « face à face », saisi par l'infinité de son amour pour moi, comme Paul lorsqu'il entendit la voix de celui qui lui demandait : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? », je tomberai alors du haut de ma suffisance, et ferai l'expérience bouleversante et douloureuse de la découverte de mon péché, qu'il soit méfiance, dédain ou trahison… « Oh ! Seigneur, si j'avais su ! »

Cette comparaison nous éclaire. « Tu seras jugé sur l'amour » : cette maxime, comme celle de saint Augustin (« Aime et fais ce que tu veux »), loin d'être une invitation au laxisme, est plutôt une mise en garde. Elle n'évoque pas non plus un juge qui serait extérieur au cœur de l'homme et qui viendrait au moment de la mort compter ses bonnes actions et ses méfaits. Elle invite plutôt chacun, dès ce temps-ci, à se quitter lui-même pour se tenir, libre et aimant, devant celui dont il se sait ou se découvre aimé.

« A la tarde te examinarán en el amor ;