Le sport constitue sans nul doute l’une des catégories anthropologiques les plus fondamentales qu’il convient de placer au côté de l’art, de la religion, de l’exercice du pouvoir ou encore de la magie et de la guerre, alors même (et sûrement parce) qu’il est tenu dans le même mouvement pour privé de sérieux et capable de déclencher les passions les plus âpres ; admirable, noble et d’une vulgarité à couper le souffle ; aussi profondément inscrit dans la vie universitaire anglo-saxonne qu’absent et méprisé dans la nôtre ; sain et rien n’est plus malsain (vous avez vu la tête d’un sportif de haut niveau ? Il fait en général dix ans de plus que son âge)… On n’en finirait pas d’enchaîner les contrastes de ce genre, et ce sont probablement eux qui masquent l’essentiel : en lui se joue quelque chose de spécifique dont rien d’autre que lui-même ne peut assurer la fonction – mais cette fonction, quelle est-elle ?
Pourquoi toutes les sociétés connaissent-elles, sous une forme ou sous une autre, quelque chose qui ressemble au sport ? Qu’est-ce qui se trouve engagé là ? La voie d’entrée la plus évidente (presque trop évidente) est sa parenté avec la guerre, comme en témoignent les tournois médiévaux, toujours à la limite, parfois franchie, du véritable combat. Le vocabulaire est le même : victoire, défaite, stratégie, tactique. Certains sports sont des combats : la lutte, l’escrime. Comme la guerre, il s’engage presque toujours en impliquant les nations. Mais ce n’est qu’un jeu, on n’y tue pas vraiment et il n’est pas censé témoigner d’abord d’une hostilité – il a au contraire été rêvé, en particulier au moment de la résurrection des Jeux olympiques, comme une fête de l’amitié au cours de laquelle, contre toute vraisemblance, il n’était pas essentiel de gagner, mais de