« Il remit l’esprit » (Jn 19, 29)

Suivre Jésus dans sa Passion, mettre nos pas dans ceux de l’évangéliste Jean, nous conduit au pied de la croix auprès de sa mère.

Dans le regard de Jean, nous les voyons avec la sœur de sa mère et Marie de Magdala, se soutenir et tenir debout dans la douleur, jusqu’au bout. Comme tous ceux, les humbles, qui savent d’expérience qu’ils ne peuvent survivre et espérer qu’en se consolant et en se soutenant les uns les autres.

Nous entendons Jésus, suspendu à la croix, les unir dans le lien d’enfantement et de filiation qui fut le sien. Sa mort affranchit Jésus  de toute limite et les liens intimes  dans lesquels il a accompli sa mission s’universalisent et tissent le fondement de l’Eglise.

Ainsi, « tout est achevé » dit-il encore, avant d’incliner la tête et de « remettre l’esprit ».

Dans le silence et l’immobilité de la mort, le dernier souffle du Christ, l’Esprit du Père qui animait la vie du Fils, est remis, rendu, au monde, aux hommes, à la vie bruissante qui continue,  au Père, source de toute vie. Pas comme à la Pentecôte avec toute sa force d’envoi et de communication. Ici c’est l’Esprit qui travaille la foi de l’intérieur : il libère des attachements trop charnels à Jésus, il rappelle à la mémoire promesses et gestes de Jésus qui fondent l’espérance au-delà de sa mort. Il prend corps dans le respect de ceux qui le descendent de la croix et le déposent au tombeau. Il se dit dans l’attention discrète des femmes qui prennent soin du corps et se donnent rendez-vous pour l’embaumer.

Au fond des cœurs et des intentions, dans les paroles toutes simples et les gestes appropriés qu’appelle toute mort, se retisse le réseau des fidèles plus fort que les forces infernales du mal et de la peur, et le Fils de Dieu y reçoit une vie, une allure et une  figure déjà nouvelles et infiniment discrètes.

A nous de « continuer en sa mémoire » !

 

 

Christus vous propose de poursuivre cette méditation avec cet extrait à lire :

"Il leur échappa tout nu" (Mc 14,52) de Dolorès Aleixandre - Christus n°244

"Bien que les deux pages soient distantes dans l’Évangile, il suffit de les tourner pour que la scène finale de la vie de Jésus coïncide avec celle de sa naissance : à Bethléem, nous le contemplons dans une étable, un lieu ouvert, sans portes, verrous ni clôture. Au Calvaire, ils tirent au sort sa tunique et il redevient aussi nu que dans la crèche. Ce n’était pas une fin étrange pour celui qui, tout au long de sa vie, avait fait partie de ceux qui n’ont aucune stratégie pour protéger ce qui leur appartient : depuis qu’il est sorti de Nazareth, il n’a plus su ce qu’était disposer d’une maison à soi ni d’un lieu où reposer la tête. Il pêchait, dormait et traversait le lac dans une barque d’amis ; il mangeait et buvait où on l’invitait et, quand ce fut lui qui donna à manger aux gens, il ne put leur offrir que de s’asseoir sur l’herbe d’un terrain vague. L’âne sur lequel il entra à Jérusalem, il l’a emprunté, ainsi que la salle où il fit ses adieux par un dîner que lui avaient préparé ceux qu’il appelait les siens, car lui seul utilisait les possessifs pour dire « mon Père » et « mes frères ».
Il ne lui restait plus rien, sauf son amour jusqu’à l’extrême et la tunique qu’à présent ils tiraient au sort. Ils l’avaient écouté dire : « Ma vie est pour vous : prenez, mangez… » Maintenant, ces paroles recouvraient un nouveau sens : chacun pouvait prendre de lui ce qu’il voudrait.
Et continuer de même en sa mémoire."