Christus : Peut-on dire que la vie religieuse est une manière de se laisser engendrer et une manière de vivre cette enfance évangélique dont Jésus dit : « Si vous ne devenez semblables à des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » ?
Véronique Fabre : Dans la vie religieuse, je pense que ne pas devenir parents nous conduit à développer avec les autres des liens qui sont plutôt de type fraternel. Ainsi, la vie de communauté nous met en relation avec des personnes que nous n’avons pas choisies. Là se déploient des liens de fraternité et, par ces liens, se joue certainement quelque chose du devenir fils et filles de Dieu. La succession des générations est quelque chose de naturel dans laquelle le choix de la vie religieuse inscrit une rupture radicale. Parce que je n’ai pas d’enfants pour tourner mon regard vers l’avenir, je me sens conduite à chercher la source en moi. Ce que j’ai à faire grandir de mon humanité, je sens bien que c’est ce devenir fille de Dieu. Cela déploie certainement en moi quelque chose de l’enfance, même si je ne sais de quelle façon.
Philippe Charru : Je crois pouvoir dire qu’il y a un impossible dans ma vie. La vie religieuse est à vivre dans la ligne de la vie baptismale et donc emprunte un chemin de mort et de résurrection. Mais on ne peut pas ressusciter sans mourir, et mourir de cette mort est impossible. C’est ce que Jésus disait à ses disciples à propos de la pauvreté : « À l’homme c’est impossible, mais à Dieu tout est possible. » Il y a donc à se laisser engendrer à cette vie en laissant le Christ vivre en nous sa mort et sa résurrection. C’est le premier versant de ce que j’appelle un « impossible » dans ma vie. Le second versant, je le vois dans la disproportion