Sans nier la place du besoin physiologique des corps au repos pour reprendre force et vitalité, le repos qui suppose une qualité d’abandon (au sommeil, à la non-activité) est aussi une expérience spirituelle de dé-maîtrise, de liberté, et de recueillement en soi et hors de soi. Impossible de lire l’Écriture sainte sans entendre l’injonction à respecter le sabbat et à entrer, comme le Créateur, dans le repos qui permet de se réjouir de tout ce qui existe. Seuls des êtres libérés de l’esclavage connu en Égypte peuvent respecter ce sabbat. Impossible de recueillir la tradition chrétienne sans faire mémoire des paroles de saint Augustin qui font, du repos en Dieu, la visée de la vie baptismale : « Notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi. »
La fatigue et le repos de Jésus
Poussé par une nécessité intérieure, Jésus a pris la route la plus difficile pour aller de Judée en Galilée : la traversée de la Samarie. Plus que la route montagneuse, c’est l’hostilité de la région envers les Juifs qui est à craindre. L’évangéliste montre Jésus fatigué par la marche, assis près du puits de Jacob à la sixième heure. Ce n’est pas l’heure fraîche où les femmes viennent pour puiser l’eau en devisant ensemble. C’est l’heure la plus crue, du plein midi, l’heure de la fatigue, l’heure solitaire et de la soif. Avec cette mention de la sixième heure, le lecteur attentif de l’évangile de Jean peut déceler une fatigue d’un autre ordre que celle du corps. Au moment de la Passion, au cours de laquelle s’accomplit le Salut de l’humanité, Jésus est à nouveau assis à la sixième heure au tribunal devant Pilate, en plein midi (cf. Jn 19,13-14). C’est l’heure de la fatigue qui dévoile le travail de l’amour et le don du Salut qui se jouent lors de la Passion. La sixième heure vient ainsi colorer la fatigue de Jésus au puits de Jacob. Elle anticipe et annonce la véritable fatigue de Jésus lors de sa Passion. Du même coup, cette mention précise aussi l’enjeu de la rencontre avec la Samaritaine : la rencontre du Salut.
Cette fatigue qui porte avec elle l’œuvre et le don salvifiques est précieuse et mérite d’être aimée. Elle est source de joie. Elle se reçoit en héritage. C’est ce que Jésus annonce à ses disciples à la fin du récit lorsqu’il dit...
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