La vie de Marie-Thérèse de Soubiran frappe par ses paradoxes. Elle rêve d'entrer au Carmel, tout en se donnant avec ardeur et finesse à l'apostolat. Son oncle, prêtre plein de zèle, la convainc de se lancer dans la fondation d'un béguinage et l'envoie se former à Gand où subsiste encore cette forme de vie consacrée. C'est un projet aventureux, « tombeau de tous ses attraits ». Marie-Thérèse finit par y reconnaître la voix de Dieu. Voici donc en route le nouveau béguinage. Nous sommes en 1854, à Castelnaudary ; la fondatrice n'a que vingt ans. Et tout va bon train, contrairement à ce qui pouvait être humainement escompté. Mais le béguinage n'a pas vraiment d'avenir. À la suite d'un grave incendie, Marie-Thérèse pressent l'appel à franchir un autre passage. « Mais c'est de nuit » (Jean de la Croix).
Ce qui germe à l'obscur, c'est une nouvelle orientation donnée à la fondation, le choix d'une authentique vie religieuse. L'institut de « Marie-Auxiliatrice » y prend naissance en 1864. Pendant dix ans, d'abord à Toulouse puis en d'autres agglomérations urbaines, Marie-Thérèse va « travailler à sa formation et extension ». Formation profondément ancrée dans la tradition ignatienne, avec l'Eucharistie au cœur de la vie des sœurs et Marie, celle qui, la première, « vient au secours des âmes » aux côtés de son Fils. La visée est clairement définie : sans exclure d'autres champs apostoliques, répondre en priorité aux besoins humains et spirituels de la jeunesse et des plus démunis. L'extension, elle, restera toujours modeste et « d'une extrême lenteur ». C'est précisément cette lenteur et cette prudence qui vont être contrecarrées par une ambitieuse qui évincera la jeune supérieure et prendra sa place. Julie Richer ira jusqu'à la mettre à la porte de sa propre congrégation.
Au terme de cette année 1874 où Marie-Thérèse vit sa passion, les sœurs de Notre-Dame de Charité lui ouvrent leur cœur et leur maison à Paris. C'est dans ce « refuge » qu'elle vivra les quinze dernières années de sa vie. Coupée de presque toutes ses anciennes relations, et d'abord de sa famille religieuse d'origine, elle s'enfonce dans le silence. Ses notes personnelles permettent de suivre son cheminement. Elle en fait une relecture : « J'ai connu que Jésus Christ m'a aimée, je l'ai connu dans l'histoire de ma vie que son amour ne cesse d'écrire pour moi depuis mon enfance... » (274).
Bien des approches sont possibles de ce parcours hors du commun. La manière dont Marie-Thérèse comprend et vit la pauvreté en est une et donne sens à son existence. Les jalons en sont posés par des événements clés qui sont autant de décisions majeures prises à la suite de Jésus. Au cœur de ces « élections » successives se réalise la marche de plus en plus dépouillée d'une femme qui a appris à se laisser guider « comme un enfant d'abandon et d'amour » dans les bras de son Père (150).


Le choix de la vie apostolique


Pendant son adolescence, Sophie-T...
La lecture de cet article est réservée aux abonnés.