Parution initiale dans Christus n° 185 (janvier 2000).

On répugne souvent à expliquer – au cours des retraites ignatiennes où sont commentées les règles du discernement des esprits – la consolation par les larmes telle qu'en parlent les Exercices spirituels. À tout le moins, on hésite à traiter le sujet au-delà de son aspect de « consolation douloureuse ». Ce n'est pas sans raison : trop s'y attarder pourrait conduire les auditeurs à des erreurs fâcheuses, surtout s'ils sont émotifs. Mais aussi les larmes gênent. Beaucoup y décèlent quelque chose de suspect. On craint le trouble pathologique ou l'égarement d'une sensibilité mal contrôlée. Par ailleurs, se retenir de pleurer est souvent perçu comme une expression de maîtrise de soi. Enfin, ce n'est guère sans embarras que certains accompagnateurs supportent les pleurs pendant les entretiens. Voilà qui ne contribue pas à donner sa vraie place à la fonction des larmes dans la prière, que saint Ignace situe comme une manifestation de la consolation.

Les Exercices spirituels, en effet, font souvent mention des larmes. On peut en trouver dix-sept occurrences dans la version manuscrite, qu'il s'agisse du substantif « lágrimas » ou du verbe « llorar ». Elles sont toujours considérées comme une chose désirable, une grâce à demander expressément.

Des larmes désirables

C'est tout d'abord sur ce premier aspect que nous nous arrêterons. Désirer les larmes peut paraître paradoxal, comme l'est la proclamation de Jésus : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » (Mt 5, 4). La béatitude de Jésus a ceci de clair qu'elle promet une consolation à ceux qui sont affligés. Est-ce l'affliction en vue d'une consolation prochaine qu'Ignace fait rechercher et demander à ses exercitants ? Obtenir « des larmes pour leurs péchés » (ES 4, 55 et 78), « goûter intérieurement des choses amères, telles que les larmes, la tristesse et le ver de la conscience » (ES 69), « pleurer abondamment sur ses péchés ou sur les peines et les douleurs que le Christ notre Seigneur endurait en sa Passion » (ES 87, 203), « demander peine, larmes et souffrance avec le Christ souffrant » (ES 48), « m'affliger, m'attrister et pleurer » (ES 195)… Ignace ne sépare pas la présence des larmes de la grâce à obtenir. Pleurer est le signe que la grâce a été donnée, et non qu'elle est encore à attendre dans l'espérance.

Il convient de noter que, lorsque les